Les récentes déclarations du Président de la République dessinent un projet, esquissé il y a un an devant les recteurs : celui d’une « école du futur » capable de relever le défi de l’excellence et de l’égalité des chances. Ce projet a une méthode, l’expérimentation, un étendard, l’innovation pédagogique, et un cœur, Marseille et ses « quartiers ». Du Fonds d’innovation pédagogique à l’appel à projet « Changer la forme scolaire », de la revalorisation des salaires au Pacte enseignant, il constitue un effort de plusieurs milliards d’euros pour rénover notre système éducatif.
Une ambition ambigüe
Il reste toutefois difficile d’en saisir la cohérence, tant les pièces de cette « école du futur » sont dispersées, ainsi que l’unité, ses instruments étant successivement confiés à des autorités différentes : le ministère de l’Education nationale bien sûr, mais aussi le Conseil national de la refondation, au travers de la démarche « Notre école : faisons la ensemble », et la Banque des territoires qui préside aux appels à projet du Plan d’investissement d’avenir. Du terrain, il est parfois bien difficile d’identifier les soutiens à leurs initiatives comme en témoigne la très faible consommation des crédits alloués depuis un an, soulignée par un récent rapport du Sénat.
De plus, on peine à distinguer les traits saillants de cette « école du futur ». En fait d’innovation, les projets retenus visent souvent à aménager le bâti scolaire, pourtant à la charge des collectivités depuis les lois de décentralisation. En termes pédagogiques, l’innovation supposée s’appuie surtout sur les méthodes et inspirations de l’éducation nouvelle, dont les figures tutélaires ont vécu et écrit au début du siècle dernier : Freinet, Montessori, Steiner, etc.
Au bilan, en fait d’école du futur, on peut être saisi par l’impression d’un projet sans rapport avec la réalité des éducateurs et des enfants. Au regard des débats éducatifs qui animent notre pays depuis 50 ans, les orientations sur le calendrier scolaire, les programmes d’histoire et l’éducation civique constituent un « renversement copernicien » peu évident.
Relever le défi éducatif, au-delà des seuls enseignements
En particulier, ces propos témoignent d’une vision de l’éducation qui semble réductrice en faisant de l’enseignement une panacée aux aspirations et aux difficultés des jeunes et des familles. Or, les sciences cognitives comme les sciences de l’éducation l’ont bien montré : la réussite scolaire est étroitement déterminée par le développement de la personnalité de l’élève et sa capacité à donner du sens à ses apprentissages, à développer sa confiance en lui pour dépasser ses difficultés et à s’appuyer sur des relations qui le sécurisent et l’inspirent.
Les récentes émeutes ont souligné l’urgence éducative auxquelles fait face notre pays. Cette urgence ne se limite pas à la seule situation d’une école souvent déstabilisée par la succession des injonctions que fait peser sur elle une société désemparée dans ses fondements. Cette crise est d’autant plus profonde que le siècle passé a rabaissé les ambitions de la raison triomphante de l’école de la République.
Nos enfants n’ont pas seulement besoin de cours. Les enseignants n’aspirent pas à de « nouvelles missions », mais demandent au contraire à pouvoir faire leur métier sans être écrasés d’injonctions sociétales. Notre système éducatif a besoin de s’appuyer sur une mobilisation large, au-delà de la seule école : familles, éducateurs, associations, collectivités. Ce n’est qu’en permettant à l’école de mieux s’appuyer sur son environnement local que nous pourrons mieux inscrire la relation éducative dans l’expérience des jeunes, en particulier à l’heure où l’adolescence les poussent souvent davantage vers la réalité que vers la classe, vers la pratique que vers la théorie.
Rassembler tous les éducateurs autour de l’école
De ce point de vue, l’enseignement professionnel ne saurait se limiter aux revalorisations imprécatoires qui soulignent surtout sa relégation sous l’effet de notre obsession de la réussite scolaire et du diplôme. L’exigence d’une meilleure articulation entre la théorie et l’expérience, entre l’esprit et la main doit irriguer l’ensemble de notre système éducatif parce qu’elle concerne tous nos enfants, quel que soit leur milieu social et leurs ambitions.
Voilà ce que pourrait devenir l’école, non pas celle de la sélection et de l’humiliation, des cols blancs contre les cols bleus, mais celle de l’épanouissement de la personne et de la démocratie locale.
Depuis sa réélection, le Président de la République a montré son attachement à la question éducative. Sa volonté de « faire bouger les lignes » sur ce sujet crucial pour l’avenir de notre pays est noble et juste. Cette ambition suppose d’aller au-delà de la porte de l’école, de l’Etat et des missions de ses fonctionnaires. Ce n’est qu’en mobilisant l’ensemble des forces vives de la Nation que la République sera en mesure de répondre aux aspirations de ses enfants et de leur famille.
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Guillaume Prévost est délégué général de VersLeHaut
Le think-tank dédié aux jeunes et à l’éducation
Le changement de paradigme scolaire entamé en 1962 et 1964, qui a pourri systématiquement année après année le système éducatif français pour en faire ce qu’il est aujourd’hui, soit une institution politique, politisée et totalement abandonnée par la raison, le sérieux, mais gangrenée par la stupidité des dirigeants et leur volonté de disperser les savoirs de façon à abrutir les jeunes pour éviter qu’ils sombrent dans l’intelligence et la contestation. Les écrivains et pédagogues du passé, que vous semblez vomir sont encore les principaux garants du futur. Ne perdez pas votre temps à vouloir réformer, parce que cela ne fera qu’envenimer les choses, à diviser encore la France et à déconstruire les Français et les Françaises.