Les enseignements du “Baromètre des adolescents” IPSOS 2024
Les années collège sont considérées comme une période de fragilité pour la plupart des jeunes adolescents. Le baromètre réalisé par l’institut IPSOS pour « Notre avenir à tous » auprès des 11-15 ans vient nous apporter des éléments de diagnostic pour étayer cette intuition. Et souligne en creux un besoin d’attention accru pour les adultes qui entourent et accompagnent ces jeunes adolescents.
Une période d’anxiété avérée et sous-estimée
En interrogeant en détails les 11-15 ans sur différents aspects de leur ressenti au quotidien – irritabilité, nervosité, inquiétude, agitation – l’étude entreprend de mesurer le degré d’anxiété des jeunes sur une échelle de 0 à 21 (appelée GAD-7). Un score strictement supérieur à 7 correspond à un trouble d’anxiété généralisée. L’étude conclut que près d’un tiers des jeunes interrogés aurait atteint ce niveau inquiétant qui nécessiterait une évaluation psychiatrique.
La difficulté à maîtriser l’inquiétude est caractéristique de ce degré d’anxiété. 60% des jeunes qui atteignent ce score affirment que ces problèmes rendent plus difficile leur scolarité ou leurs relations avec leurs pairs. Un élément important à prendre en compte quand on aborde les difficultés scolaires comme relationnelles qui peuvent toucher une part importante des collégiens.
L’étude souligne également que les répondants ont tendance à sous-estimer la gravité de leur état émotionnel puisque seuls 18% de ceux présentant des signes d’anxiété généralisée estiment ne pas aller bien. Ce qui conduit la moitié d’entre eux à n’en parler ni à des professionnels de santé ni à leurs enseignants.
Des sentiments négatifs exacerbés par l’exposition aux problèmes globaux
Les jeunes interrogés identifient des sujets qui sont source d’inquiétude parmi ceux qui sont largement relayés médiatiquement. Il s’agit en particulier des dangers qui les concernent en tant qu’enfants – violences, harcèlement – mais également ceux ayant trait aux défis globaux – enjeux environnementaux, guerres. Ce sentiment tend à perdurer dans le temps comme l’illustrent les résultats de notre dernier baromètre Jeunesse&Confiance mené auprès de jeunes de 16 à 25 ans.
L’incompréhension face à ces sujets est largement exprimée par les répondants. Le fait d’être abreuvés de mauvaises nouvelles est perçu comme facteur de stress. Souvent les jeunes cherchent des réponses par eux-mêmes à ces questions. Pour autant, une majorité d’entre eux considèrent que les informations qu’ils lisent sur leur smartphone leur donnent le sentiment de ne pas comprendre comment le monde évolue.
Le fait de devoir rester seul face à ces problèmes complexes semble constituer un facteur aggravateur de l’anxiété des adolescents. D’ailleurs, une large majorité d’entre eux aimeraient pouvoir en parler avec des tiers pour les aider à comprendre ces sujets.
L’école participe au sentiment d’anxiété des adolescents
Les collégiens identifient également l’école comme un environnement pouvant affecter négativement leurs états émotionnels. En premier lieu, les contrôles et les notes apparaissent comme sources d’anxiété par la majorité des répondants : 56% des garçons et 63% des filles. Plus surprenant, près d’un tiers d’entre eux révèlent qu’il leur arrive d’avoir très peur de certains de leurs enseignants.
A ces sources d’anxiété s’ajoutent des circonstances vécues qui peuvent participer pleinement à un sentiment plus diffus de mal être. Ainsi, environ 4 jeunes sur 10 estiment s’ennuyer à l’école et avoir l’impression que ce qu’ils apprennent ne leur servira à rien.
Enfin, les enseignants n’apparaissent pas toujours comme des ressources face à leurs interrogations. Seuls 45% se souviennent avoir abordé les sujets d’actualité qui les intéressent avec un professeur dans les deux semaines précédant l’enquête.
Des adultes de confiance ?
Parmi les bonnes nouvelles de cette étude, les jeunes se sentent plutôt bien entourés. Plus de trois quarts d’entre eux estiment avoir autour d’eux des personnes à qui parler de leurs problèmes et des sujets de sociétés importants pour eux. Mais qui sont ces personnes de confiance ?
Sans surprise, les parents sont cités prioritairement. En particulier, 90 % des répondants placent en premier ou en deuxième leurs parents dans la liste des personnes en qui ils font confiance pour les aider à comprendre l’actualité. Les enseignants sont cités dans les deux premières places par seulement 29% des jeunes interrogés.
Prise dans sa globalité, l’étude exprime le fait d’un soutien adulte en dehors de la famille relativement insuffisant pour les jeunes les plus fragiles. Ils se tournent assez peu vers les enseignants et les professionnels de santé présents autour d’eux notamment dans l’établissement scolaire. Par exemple, seuls 35% des jeunes présentant des signes d’une anxiété généralisée se tournent vers un adulte de l’établissement pour en parler.
L’étude ne renseigne pas sur la disponibilité des ces adultes mais on sait par ailleurs que les élèves français se sentent peu entendus par les adultes dans les établissements scolaires, en particulier les enseignants. La dernière enquête PISA a par ailleurs pointé le déficit de soutien et d’accompagnement dont ont pu bénéficier les élèves français notamment pendant la période d’isolement due à la pandémie de COVID 19.
Les diagnostics établis par ce baromètre, qui viennent confirmer les résultats d’études antérieures, semblent donc plaider pour une attention plus soutenue vis-à-vis des difficultés émotionnelles ressenties par un nombre important de jeunes adolescents. En particulier, le collège semble être un lieu encore souvent peu propice au développement de relations de qualité entre adultes et enfants malgré des initiatives remarquables mais isolées[1].
[1] A découvrir notamment dans notre étude Le sens de l’autorité. Idées et initiatives pour soutenir la relation éducative.