Kenza Osrafil a 24 ans. Originaire de Montélimar, elle suit un Master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF) à Digne-les-Bains et exerce une aide bénévole auprès de l’association Sos Villages d’Enfants. En résonnance avec la publication du rapport “Le sens de l’Autorité” de VersLeHaut, nous avons choisi de publier le témoignage engagé de son expérience au sein de la protection de l’enfance.
Je me nomme Kenza, une simple étudiante qui aspire à être professeure des écoles. J’aspire à ce métier qui me donne l’impression de pouvoir construire un futur plus juste pour nos enfants.
Ce terme d’ «enfant» m’interpelle : peu usité par l’éducation nationale, et peut-être négligé, par manque de moyens, envers ceux qui nous importunent, ceux qui ne sont pas exactement réceptifs à la pédagogie traditionnelle.
Une pédagogie qui me semble centrée sur l’enseignant (et sa propre expérience d’élève) et qui règne sans réellement se soucier du bien-être de tous ses élèves.
J’ai eu l’opportunité de travailler en tant que bénévole dans l’association «SOSVillages d’enfants» à Digne-les-Bains pendant quelques semaines. Ma tutrice m’avait informée de l’existence de cette association.
SOS Villages d’enfants compte parmi les grands opérateurs historiques du secteur de la protection de l’enfance. Depuis les années 1950, l’association reconstitue des foyers autours des enfants placés pour préserver les fratries, afin de permettre à des frères et sœurs de rester ensemble dans cet épisode difficile de leur vie. Les enfants ont souvent connu des parcours complexes, sont passés par des familles d’accueil ou des Maisons d’enfant à caractère social (MECS). Ils y ont connu d’autres règles, d’autres modes relationnels, ont parfois été victimes d’usages abusifs de l’autorité de la part des adultes auxquels ils étaient confiés.
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Je peux vous assurer qu’une pédagogie « traditionnelle » n’est pas compatible avec certains enfants que j’ai pu observer là-bas. Elle est même probablement rédhibitoire envers ceux qui ont subi des maltraitances physiques ou psychologiques et qui se sentent en insécurité face aux adultes. En tant que future enseignante, mon intérêt principal est précisément la sécurité physique et la sérénité de mes élèves avant de jouer mon rôle de transmission.
Je suis plus favorable à la méthode Montessori qui se base sur un accompagnement à l’autonomie totale ou presque de l’enfant grâce à l’environnement et aux matériaux qui l’entourent. J’ai donc essayé d’exercer cette méthode avec les enfants.
[NDLR]L’une des priorités de la pédagogie Montessori est d’apporter aux enseignants une formation approfondie sur le développement et les besoins de l’enfant et sur les avancées en neurosciences. Dans ces classes, l’une des particularités est que les enfants jouissent d’une grande liberté de mouvement et de choix de leurs activités. L’ensemble du matériel pédagogique est mis à leur disposition. Les enfants sont autorisés à l’utiliser à la condition qu’ils sachent s’en servir et que l’activité corresponde à leur zone proximale de développement.
Durant mon stage, j’ai demandé aux élèves d’être les acteurs principaux de leur apprentissage et ils ont participé avec enthousiasme. Si l’élève est renfermé sur lui, on peut également utiliser la pédagogie de Decroly qui insiste sur l’intérêt des enfants.
Comme la méthode Montessori, la méthode Decroly fait partie des pédagogies actives, qui placent l’enfant au centre et n’est pas un enseignement fondé sur l’imitation et la passivité. Pour les enseignants, l’observation de l’enfant est primordiale dans cette méthode.
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Le concept de base de cette pédagogie est le globalisme. Il se traduit par l’idée de l’interaction interdisciplinaire des apprentissages autour d’une idée centrale (idée pivot), qui définira l’axe du travail collectif. Cette idée pivot est en rapport direct avec les besoins de l’enfant. En permanence, l’enseignant tâche d’amener les enfants à associer leurs apprentissages avec ce qu’ils savent déjà et ce qu’ils découvrent encore .
En effet, je m’occupe d’une élève qui a été diagnostiquée TDA. Elle est incapable de se concentrer plus de 10 minutes et en tant que professionnel, on ressent cette souffrance, lorsqu’elle est par exemple tenue de s’assoir immobile sur une chaise. Pourquoi n’est –il pas possible de la faire travailler d’une autre manière en classe ?
J’ai pris la liberté de la faire travailler par terre sur le ventre ou sur le dos. J’ai appris que l’enseignant devait se placer au même niveau physique que l’enfant. Je me suis intéressée à ses passions pour trouver des corrélations avec ses leçons. En améliorant ma pédagogie, elle a pu se concentrer toute une séance et j’ai pu ressentir sa propre fierté.
Rappelons qu’en France, seulement un tiers des enfants estiment que l’école les aide à avoir confiance en eux (UNICEF, 2021). Nous sommes des repères sociaux pour eux ; nous nous devons de les aider à construire leur paix et confiance intérieures. En les écoutant, en les observant, et par l’école, transformons cette société individualiste qui est la nôtre en une société de tolérance !
Vous penserez que je suis naïve ou au mieux utopiste. Je répondrai : «à quoi bon enseigner sans s’imprégner de l’innocence de nos élèves qui ont tellement à nous apprendre ?»
Quelques mots, d’une simple étudiante….