Dans les premières années de leur parcours, la majorité des jeunes enfants seront accompagnés par des professionnels en plus du soin et de l’éducation qu’ils recevront au sein de leur propre famille. Dans la galaxie des métiers de la petite enfance règne une certaine diversité. Ces professionnelles – osons le féminin ici pour rendre justice à ces femmes qui occupent très majoritairement ces fonctions – vivent des expériences et assurent des fonctions communes mais chaque métier a aussi ses spécificités en termes de formation, de conditions de travail, de statut.

Diversité des métiers, noble mission commune

Qui sont les professionnelles de la petite enfance ?

Les métiers de la petite enfance sont divers précisément parce qu’il s’agit d’un secteur qui se trouve historiquement à la croisée des domaines de la santé et de l’éducation.

Ainsi, les professionnelles de santé, telles que les infirmières puéricultrices ou les auxiliaires de puériculture, occupent une place prépondérante en particulier dans les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE). Leur formation inclut cependant également une dimension psycho-sociale.

D’autres métiers sont plus spécifiquement ancrés dans l’éducatif. C’est le cas des éducatrices de jeunes enfants investies dans le projet éducatif et pédagogique de l’établissement, l’aménagement des espaces et l’élaboration des activités qui vont participer au développement et à la socialisation de l’enfant. Il en va ainsi également des enseignants en école maternelle même s’ils ne sont pas identifiés spécifiquement comme des métiers de la petite enfance.

Enfin, un ensemble de métiers – assistante maternelle, garde d’enfant à domicile, attachée territoriale spécialisée des écoles maternelles (ATSEM), auxiliaire de crèche – apparait comme plus disparate puisque moins institutionnalisé. Certaines d’entre elles sont diplômées du certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) Accompagnant éducatif petite enfance, mais il n’est pas obligatoire pour exercer ces métiers.

Travailler aux côtés des jeunes enfants, un métier de la relation !

Dans le rapport parlementaire sur « Les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches », les députées Isabelle Santiago et Michèle Peyron font le constat d’un besoin de faire évoluer l’image véhiculée dans l’opinion publique sur les professionnelles de la petite enfance. Auditionnée dans le cadre de la mission menée par ces parlementaires, Elisabeth Laithier, présidente du comité de filière petite enfance, estime urgent de que ces professions soient vues comme de véritables métiers qui vont au-delà « des changements de couches et de tétines ».

De véritables métiers de la relation qui vont au-delà des changements de couches et de tétines !

Compte tenu des enjeux en termes de développement de l’enfant et de préparation à sa scolarisation, les missions et les compétences des professionnelles, en accueil individuel ou collectif, dépassent à l’évidence cette image quelque peu primitive.

Les professionnelles sont attendues sur une diversité de missions et une exigence de qualité dont la portée est synthétisée dans les dix principes de la Charte nationale pour l’accueil du jeune enfant instituée en 2021.

Ces professions sont avant tout des métiers de l’humain et de la relation. On le sait, l’attachement et la sécurité affective sont indispensables au développement de l’enfant. Le lien d’attachement, s’il concerne en premier lieu les parents et leur enfant, implique aussi les professionnelles qui accueillent des enfants au quotidien. La relation affective significative que l’enfant sera en mesure de tisser avec elles l’aidera à préserver son sentiment de sécurité en l’absence de ses parents.

Une ambition malmenée dans la pratique

Conjuguer accueil collectif et relation individualisée

La relation que la professionnelle va tisser avec l’enfant implique de lui offrir ce lien d’attachement mais aussi de saisir l’individualité de l’enfant et ses besoins propres. Les conditions dans lesquelles se nouent cette relation sont déterminantes. L’attention et le temps que peut consacrer une professionnelle à chaque enfant accueilli vont conditionner la poursuite de ces objectifs.

C’est d’autant plus vrai en accueil collectif où le ratio entre le nombre d’enfants et d’adultes va directement affecter la qualité de la relation. C’est pourquoi le Rapport des 1000 premiers jours[1] préconise le respect d’un ratio de 5 enfants par professionnel (tous types de professionnels de la petite enfance) tous âges confondus, avec au moins 70% de professionnels diplômés [2], pour que chaque professionnel puisse créer un véritable lien avec les enfants qu’il accueille. En l’état de la législation française, ce ratio d’une professionnelle pour 5 enfants n’est imposé que pour les plus petits (qui ne marchent pas encore) en EAJE. Pour les enfants « marcheurs », il est élargi à 1 pour 8.

Les taux d’encadrement actuels ne permettent pas aux professionnelles de travailler dans de bonnes conditions et entraînent chez elles une perte de sens

A l’échelle internationale, les règles qui régissent ces taux d’encadrement sont très hétérogènes. Selon l’enquête Eurydice menée par la Commission européenne en 2014, le ratio d’encadrement varie de 1 pour 3 en Irlande à 1 pour 9 en Norvège pour les moins d’un an. Pour les enfants de deux ans, le ratio d’encadrement varie de 1 pour 4 au Royaume-Uni à 1 pour 20 en Espagne[3].

L’incidence de l’organisation du travail sur la capacité des professionnelles à mener à bien leurs missions et développer des relations de qualité avec les enfants a été soulevée par le rapport remis par l’IGAS en 2023. Ainsi, il est mis en avant que « les taux d’encadrement actuels ne permettent pas de travailler dans de bonnes conditions. Cette situation entraine une charge de travail très importante, génératrice de fatigue, de surmenage, parfois de maltraitance envers les enfants. Il en résulte, pour ces professionnels, une perte de sens face à l’impossibilité de prendre en charge les enfants dans de bonnes conditions et le souhait de ne pas poursuivre dans cette voie professionnelle[4] ».

L’accueil individuel en quête de professionnalisation

Les conditions d’exercice dans le domaine de la petite enfance jouent un rôle déterminant dans l’attractivité du métier. Ces difficultés concernent en premier lieu les EAJE. Le vécu dans d’autres modes d’accueil est différent. Ainsi les assistantes maternelles ne portent pas le même regard sur leur métier que les professionnelles exerçant en crèche. Elles jouissent d’une plus grande autonomie, d’une relation privilégiée avec les enfants et les familles. Au point que le métier d’assistante maternelle faisait partie des 15 métiers les plus favorables au bien-être psychologique dans une enquête du Ministère du travail[5]. Par contre, les assistantes maternelles peuvent souffrir parfois de ne pas être reconnues comme des professionnelles à part entière. A ce titre, le fait d’exercer à domicile et non dans un lieu conçu et organisé autour de l’accueil des jeunes enfants, peut nourrir ce sentiment d’une moindre professionnalisation. Le développement des Maisons d’Assistants Maternels (MAM) vient à ce titre renforcer le projet professionnel des assistantes

Par contre, les assistantes maternelles peuvent souffrir parfois de ne pas être reconnues comme des professionnelles à part entière. A ce titre, le fait d’exercer à domicile et non dans un lieu conçu et organisé autour de l’accueil des jeunes enfants, peut nourrir ce sentiment d’une moindre professionnalisation. Le développement des Maisons d’Assistants Maternels (MAM) vient à ce titre renforcer le projet professionnel des assistantes maternelles. Ce mode hybride entre accueil individuel et collectif vient également lutter contre l’isolement, et favoriser le travail en équipe, le partage de pratiques[6].

Des métiers boudés ?

La filière petite enfance est confrontée à un déficit d’attractivité : manque de candidats, taux élevé de renoncement aux professions. Si on mentionne souvent le manque de candidats pour tenir les objectifs d’ouvertures de places annoncés en 2023 (100 000 places supplémentaires pour 2027 et 200 000 d’ici 2030), on doit également tenir compte de la persévérance dans les professions des professionnelles déjà en place. Dans l’enquête menée par l’Inspection générale des affaires sociales, un peu plus de 40% des professionnelles consultées ont indiqué envisager de quitter leur établissement actuel[7].

40% des assistantes maternelles vont quitter le métier d’ici 2030

Par ailleurs, les inquiétudes concernent également le métier d’assistante maternelle. Dans son communiqué de presse de janvier 2024, le comité de filière petite enfance mettait en garde sur les départs à venir dans cette profession. Ils concerneraient 40% des assistantes maternelles à horizon 2030, soit environ 300 000 solutions d’accueil amenées à disparaître[8].

Cette inquiétude a motivé une grande campagne de communication orchestrée par le gouvernement en 2023 sous le slogan « Les métiers de la petite enfance nous font grandir ».


[8] Communiqué de presse du comité de filière petite enfance, janvier 2024.


[7 Inspection générale des affaires sociales, Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches, Mars 2023.


[6] Pascale Garnier, Catherine Bouve, Martine Janner-Raimondi, Les maisons d’assistantes maternelles : des pratiques professionnelles hybrides entre accueils individuel et collectif, Dossier d’étude de la CNAF n°227, 2022.


[5] DARES, Travail et bien-être psychologique. L’apport de l’enquête CT-RPS 2016, 2018.


[3] European Commission/EACEA/Eurydice/Eurostat (2014). Key Data on Early Childhood Education and Care in

Europe. 2014 Edition. Eurydice and Eurostat Report. Luxembourg: Publications Office of the European Union

[4] Inspection générale des affaires sociales, Qualité de l’accueil et prévention de la maltraitance dans les crèches, Mars 2023.


[1] Rapport de la Commission des 1000 premiers jours, Les 1000 premiers jours : là où tout commence (2021), Ministère des solidarités et de la santé, Disponible sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport-1000-premiers-jours.pdf

[2] Idem