Mona Hitti-Bernia
Mona Hitti-Bernia, diplômée de HEC, a commencé sa carrière dans le domaine de la communication, un secteur qui la passionnait. En 2008, elle ressent une profonde envie de donner plus de sens à son travail. À 30 ans, elle fait un choix audacieux : rejoindre le Groupe SOS, malgré une baisse de salaire. Puis en 2018, Mona rencontre l’association Môm’artre dont elle est aujourd’hui directrice générale.
À travers son parcours inspirant et son engagement, Mona Hitti-Bernia, directrice générale de l’association Môm’artre, nous invite à découvrir l’importance de la mixité sociale dès le plus jeune âge. En accueillant des enfants de tous horizons dans des lieux d’accueil artistiques, Môm’artre crée des ponts entre les différents milieux sociaux et les cultures par l’éducation artistique et culturelle.
À la rencontre de Mona…
Lors de notre entretien, Mona m’a partagé une partie de son histoire personnelle, qui éclaire son engagement pour la mixité sociale chez Môm’artre. Née d’un père libanais et d’une mère française, Mona a grandi dans un environnement profondément interculturel. Ses parents, expatriés au Brésil, lui ont offert une enfance marquée par la diversité culturelle.
“J’ai connu l’interculturalité dès mon plus jeune âge. J’ai débarqué en prépa à Paris après avoir passé mes premières années au Brésil avec ma sœur,” me raconte-t-elle. À 9 ans, sa famille s’installe à Saint-Germain-en-Laye, une ville très bourgeoise, pour l’inscrire au lycée international.
“J’ai fait tout mon lycée dans la section franco-portugaise, ce qui m’a permis de devenir bilingue en portugais. Mais ce qui était intéressant, c’est que la section portugaise accueillait non seulement des enfants de diplomates, mais aussi des enfants de maçons et de familles plus modestes. C’était une sorte de melting-pot unique, très interculturel,” explique Mona.
Cette expérience a été marquante pour elle. “Mes parents m’ont toujours poussée dans les études, mais ils ont aussi planté en moi les graines de l’importance du mélange, de la diversité. Mon père, par exemple, est parti de rien et a réussi grâce aux bonnes rencontres et à sa détermination. Cela m’a appris que chaque personne, peu importe ses origines sociales ou culturelles, a le potentiel de réussir. Je ne comprends pas le racisme. Pour moi, nous sommes tous des citoyens de la même planète, des êtres humains avant tout,” dit-elle avec conviction.
Elle reconnaît aussi les avantages matériels dont elle a bénéficié grâce à la réussite de ses parents, comme l’accès à une bonne éducation et à des ressources culturelles.
Ces valeurs se retrouvent aujourd’hui dans l’association Môm’artre, où Mona cherche à créer des espaces où chaque enfant, peut s’épanouir et se mélanger aux autres, dans un environnement inclusif et propice à la créativité.
La mixité parmi les enfants est primordiale
En 2018, Mona rejoint l’association Môm’artre, fondée par Chantal Mainguené. Mom’ârtre propose des lieux d’accueil artistiques pour les enfants après l’école. L’association promeut la mixité sociale, accueillant des enfants de divers horizons, y compris des familles vulnérables. Ces lieux d’accueil offrent bien plus que de simples activités : ils permettent aux enfants de rencontrer des artistes professionnels, de développer leur créativité et de bénéficier d’un environnement positif et coopératif.
Mona insiste sur l’importance de la mixité dans ces lieux : “On doit proactivement chercher des enfants de différents milieux pour garantir cette diversité.” Les enfants viennent pour des raisons variées, certains attirés par les projets artistiques, d’autres pour l’environnement sécurisé et stimulant. Les familles contribuent selon leurs moyens, avec une participation basée sur le quotient familial, permettant une accessibilité financière large.
Enfin, Mona aborde la promotion de la mixité sociale et communautaire à travers divers ateliers et activités collectives. Ces initiatives permettent à des parents de différents horizons de se rencontrer et de s’entraider, forgeant des liens qui n’auraient autrement jamais vu le jour.
Entraide et soutien entre parents et familles monoparentales
« Des ateliers en crèche et des activités comme la danse, où les parents participent avec leurs enfants, aident à briser les barrières sociales. Ces interactions ont un impact positif non seulement sur les parents, mais aussi sur leur perception du quartier et de la communauté » mentionne Mona.
Môm’artre ne se contente pas d’accueillir les enfants, l’association intègre également les parents dans le processus éducatif, créant un lien fort entre l’école, l’association et les familles. Chaque soir, les parents sont invités à échanger avec les animateurs, et des vernissages réguliers permettent de présenter les œuvres des enfants, renforçant ainsi le sentiment de communauté.
« Môm’ârtre est souvent l’une des premières à être informée des séparations familiales, ce qui les rend particulièrement sensibles aux besoins des mamans solo. Ces femmes se retrouvent parfois dans des situations précaires soudainement, nécessitant une orientation rapide vers des solutions de logement et d’autres aides » souligne Mona.
L’association tient compte de la monoparentalité dans ses critères de priorité pour l’attribution des aides. « La monoparentalité est un facteur aggravant la précarité. L’association fait de son mieux pour offrir un soutien spécifique et adapté à ces familles » insiste Mona.
Pour de nombreuses mamans solo, l’isolement social est l’un des obstacles les plus difficiles à surmonter. Souvent occupées par les responsabilités quotidiennes, elles peuvent parfois se sentir seules dans leur rôle parental. Cependant, grâce à des initiatives locales comme Môm’artre de nombreuses mamans solos arrivent à se connecter.
Transformer l’éducation par la rencontre artistique
Pour Mona, l’éducation artistique et culturelle est essentielle au développement des enfants. Ces activités ne se contentent pas de divertir, elles jouent un rôle crucial dans l’épanouissement personnel et social des enfants. L’éducation artistique et culturelle permet de stimuler la créativité, de développer des compétences transversales et de favoriser l’expression de soi. Les enfants ont l’opportunité de rencontrer des artistes professionnels grâce à Môm’artre, ce qui enrichit leur perspective et ouvre des horizons nouveaux.
Ce qui fait la différence chez Môm’artre, c’est la rencontre avec des artistes. Ce ne sont pas simplement des animateurs qui proposent des activités créatives, ce sont de véritables artistes professionnels. Leur force réside dans ce réseau d’artistes qui, bien qu’ils ne soient pas tous des « stars », sont pleinement engagés dans leur métier. Ils exposent, jouent, sont en résidence et viennent partager leur passion avec les enfants. Par exemple, un artiste peut venir tous les mardis pendant cinq semaines, et pendant les vacances scolaires, pour travailler sur un projet avec un groupe d’enfants. Ce suivi régulier permet de créer des projets en profondeur, pas juste des ateliers ponctuels. « Je veille à ce que ce soient des sessions de 10 à 20 heures minimum pour chaque projet, ce qui permet aux enfants de vraiment s’investir et de voir leur progression » insiste Mona.
La pédagogie de Môm’artre repose sur des projets inclusifs, positifs, bienveillants et coopératifs. Il n’y a pas de système d’évaluation strict ou uniforme. « Chaque soir, il y a un moment d’échange entre les parents et les animateurs, et les vernissages de fin de session sont des moments forts, festifs et d’échanges, renforçant le sentiment de communauté. » explique Mona. Certains enfants disent même que Môm’artre est comme une deuxième maison pour eux.
Il faut tout un village pour éduquer un enfant
L’importance d’un maillage territorial est un thème central dans l’échange avec Mona. Chaque antenne de l’association connaît bien les autres acteurs locaux avec lesquels elle travaille, ce qui permet de créer un réseau très fin et personnel. Ce maillage est essentiel pour offrir un soutien complet et adapté aux familles. Il permet de mieux répondre aux besoins spécifiques des familles et des enfants, en dirigeant les solutions de logement et autres services vers ceux qui en ont le plus besoin.
« Il est difficile de répliquer ce type de travail à une échelle plus large sans perdre l’efficacité de l’approche locale. Le succès de ce modèle repose sur la connaissance personnelle et les relations de confiance entre les différents acteurs locaux. » souligne Mona.
Portrait réalisé par Marion Denis