Dans son dernier rapport consacré au contexte social des adolescents, l’OMS met en lumière la dégradation du soutien perçu de la part de leur famille et des enseignants. Une évolution préoccupante en particulier chez les adolescentes françaises pour lequel ce sentiment est plus prononcé que dans la moyenne des pays étudiés. 

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) continue d’exploiter les résultats de la dernière édition de l’enquête HBSC (Health behavior in school-aged children) menée en 2021/2022 dans une quarantaine de pays, principalement en Europe mais également en Asie centrale et au Canada. Elle a publié ce 13 novembre un rapport consacré au contexte social dans lequel évoluent les adolescents de 11 à 15 ans

Ce rapport s’attache en particulier à mesurer le degré de soutien perçu par les adolescents de la part des adultes (leurs parents, les enseignants) et de leurs pairs durant les années correspondant en France à la période du collège. En effet, cette enquête est menée auprès de trois panels d’adolescents dans chaque pays permettant de comparer trois âges : 11, 13 et 15 ans. 

La récurrence de l’enquête HBSC – elle est menée tous les quatre ans – permet également de mesurer des évolutions dans les perceptions des adolescents. Que disent globalement les chiffres de l’enquête 2022 par rapport aux deux précédentes ? 

L’environnement social des adolescents européens a tendance à se dégrader 

En moyenne, le soutien adulte perçu par les adolescents – de la part de leurs parents comme des enseignants – a tendance à se détériorer dans la période récente (entre 2018 et 2022). La détérioration est plus marquée chez les filles.  

Cependant, la tendance est moins affirmée par rapport à 2014. Les pays se démarquent clairement en deux groupes. Ceux connaissant une dégradation depuis 2014 (Croatie, Italie, Angleterre, par exemple) et ceux pour qui 2018 constitue un point de retournement (Belgique, Espagne, Portugal, France).  

Du côté du soutien des pairs, la tendance est plutôt à la baisse sur l’ensemble de la période même si des différences importantes entre pays et entre filles et garçons sont à noter.  

Dans la plupart des pays, la traversée de l’adolescence correspond à une détérioration du soutien adulte. Ainsi, si le soutien perçu peut être assez élevé à 11 ans, il a tendance à décroître par la suite.

En France, faiblesse du soutien adulte et robustesse du côté des pairs 

L’étude nous permet de décrire la situation des adolescents français et d’effectuer des comparaisons avec d’autres pays (ici, le Danemark, l’Italie et l’Angleterre).  

Un soutien familial mitigé, en particulier pour les filles 

Le soutien familial perçu par les adolescents français suit le schéma général en décroissant entre 11 et 15 ans. 72% des filles et 80% des garçons de 11 ans estiment avoir un haut niveau de soutien familial. Chez les adolescents de 15 ans, on tombe à respectivement 55% et 69%. Le soutien familial perçu est donc significativement plus faible pour les filles. 

Les adolescentes françaises se sentent moins soutenues que la moyenne par leur famille. Pour les garçons, les chiffres sont beaucoup plus encourageants. 

Sur ce plan la France se situe en dessous de la moyenne des pays de l’étude pour les filles mais au-dessus pour les garçons. Le soutien familial perçu par les adolescents y est par exemple bien moindre qu’au Danemark mais meilleur qu’en Italie et en Angleterre.  

La différence de perception des adolescents entre selon le milieu familial est particulièrement marquée en France. Il y a un écart de 16 points en moyenne entre le pourcentage de filles estimant avoir un haut niveau de soutien familial dans les familles favorisées par rapport aux familles défavorisées. L’écart est significatif bien que moindre pour les garçons. 

Le soutien des pairs est plutôt robuste en France surtout chez les filles 

Lorsque les adolescents français mesurent le niveau de soutien de leurs pairs, le constat est plus encourageant. Si on observe une légère décroissance entre 11 et 13 ans, on peut considérer qu’il demeure plus stable que le soutien adulte. 

Il est cette fois-ci régulièrement plus élevé chez les filles. A 13 ans, par exemple, 66% des filles estiment recevoir un haut niveau de soutien de la part de leurs pairs contre 57% des garçons.  

La France se situe ici au-dessus de la moyenne des pays étudiés à tous les âges. Légèrement en retrait par rapport au Danemark, les données françaises sont sur ce point meilleures qu’en Italie ou en Angleterre.  

Là encore l’écart entre les filles issues de familles favorisées ou défavorisées est important toujours au profit des premières. La France se distingue encore une fois de beaucoup de pays sur ce point. La différence est moindre pour les garçons. 

Le soutien enseignant s’effrite particulièrement dans la traversée des années collège 

Si les enfants français arrivent au collège avec le sentiment que les enseignants les soutiennent – 64% des filles et 66% des garçons expriment un haut niveau de soutien – celui-ci s’érode profondément par la suite. A 15 ans, seuls 30% des filles et 41% des garçons ont toujours la même appréciation ! 

Encore une fois, les filles sont les plus touchées. A tous les âges, les données françaises sont sur ce point en dessous de la moyenne des pays de l’étude. Et très loin des pays les plus performants comme le Danemark. 

Les filles issues des milieux moins favorisés se sentent davantage soutenues par les enseignants. 

Concernant les différences entre milieux sociaux, ce sont cette fois les filles issues de milieux défavorisés qui ont un meilleur sentiment de soutien de la part des enseignants. On trouve un écart de 6 points en moyenne par rapport à celles venant des familles les plus favorisées. On peut émettre l’hypothèse que cette différence tient en partie au type d’établissement fréquentés. L’écart est inexistant du côté des garçons. 

Un enjeu de confiance et de santé mentale 

Ces chiffres sont à mettre en parallèle avec les inquiétudes déjà manifestées par l’Organisation mondiale de la santé sur la dégradation de la santé mentale des jeunes. Le soutien perçu aussi bien de la part des adultes que des pairs est en effet largement corrélé à l’état psychologique chez l’adolescent comme le rappelle le rapport.  

Pouvoir trouver dans son entourage proche des adultes sur lesquels s’appuyer, en premier lieu au sein de sa famille, apparaît donc comme un facteur important de protection. Il en va de même du sentiment d’appartenance à un groupe de pairs.  

De ce point de vue, les institutions éducatives ont encore fort à faire pour garantir une plus grande disponibilité des adultes, en particulier auprès d’un public adolescent plus fragile. C’est un des enseignements mis en avant dans notre récente étude, Un sérieux besoin de confiance qui se voit ici confirmé par les données de l’OMS. 

Les enseignants, notamment, ne se sentent pas toujours armés ni mis dans des dispositions favorables pour remplir ce rôle auprès des collégiens. Dans plusieurs enquêtes récentes, ils reconnaissent n’avoir pas toujours les outils pour soutenir au mieux les élèves et expriment également un besoin de soutien de la part de leur hiérarchie. 

Les relations au sein de la famille sont également à interroger au regard de ces données. Nous consacrerons dès janvier 2025 un nouveau cycle d’études dédié aux familles qui permettra sans doute de creuser ces analyses et de faire émerger des propositions à même de renforcer le soutien parental, en particulier pour les adolescentes. 

Stephan Lipiansky