Dans un récent article pour le Café pédagogique¹ , Ghislain Leroy, maitre de conférences en sciences de l’éducation, brosse un portrait à charge de la pédagogie Montessori. Ses critiques, particulièrement déconnectées des réalités quotidiennes de nos classes, discréditent gravement notre engagement envers l’école publique. En tant qu’enseignant.es de l’école publique et défenseur.es de cette pédagogie pour la réussite des enfants, nous souhaitons rectifier ce réquisitoire, peu respectueux de notre travail et des convictions qui nous animent.


Depuis 2015, nous, enseignant.es des écoles publiques, sommes engagés collectivement à intégrer les principes et pratiques de Maria Montessori pour mieux répondre aux besoins des enfants qui nous sont confiés. À travers notre association Public Montessori, nous accompagnons les enseignant.es avec des formations et des bourses dédiées à l’acquisition de matériel pédagogique adapté. Aujourd’hui, notre association compte 407 enseignants répartis en 39 sections départementales.

Montessori : Au-delà des clichés commerciaux et du secteur privé

En mentionnant d’emblée le prix d’une pelle et d’une balayette estampillées Montessori à 39,90 €, Le Café Pédagogique choisit de lier la pédagogie Montessori au mercantilisme, favorisant ainsi la polémique. Cette approche omet deux réalités importantes : d’une part, de nombreux articles vendus sous le nom “Montessori” n’ont aucun lien avec la véritable pédagogie Montessori. D’autre part, le matériel pédagogique authentique n’est pas plus coûteux que les équipements scolaires standards. Nous le savons d’autant mieux que, en tant qu’enseignant.es, nous avons souvent dû acquérir ces matériels avec nos propres deniers, en utilisant aussi des stratégies comme le bricolage, la fabrication ou les échanges. De plus, ce matériel homologué est rentable sur de nombreuses années.

Il est également impératif de corriger l’idée reçue selon laquelle la pédagogie Montessori serait réservée aux seules écoles privées hors-contrat. En réalité, l’innovation pédagogique n’est pas le monopole de ces écoles. En France, la majorité des applications de la méthode Montessori se trouve dans le secteur public. Selon l’Association Public Montessori, plus de 400 établissements publics sont engagés dans cette démarche, et selon Céline Alvarez, près de 3 000 écoles mettent en œuvre ces pratiques. En fin de compte, la méthode Montessori est environ 15 fois plus répandue dans les écoles publiques que dans le secteur privé hors-contrat.

Montessori : Individualité et entraide sociale en harmonie

G. Leroy estime que la pédagogie Montessori relève d’une approche individualiste de l’éducation comme s’il s’agissait de faire un choix entre le développement de la personne et celui du collectif. En réalité, la pédagogie Montessori intègre pleinement l’enfant dans sa dimension sociale tout en favorisant un travail individualisé en liberté. Ce cadre encourage les échanges informels, les interactions sociales, la coopération, l’entraide spontanée et le tutorat entre enfants. Dans nos classes multi-niveaux, par exemple, les plus grands aident les plus jeunes à s’habiller, à compter, à gérer leurs émotions, et à découvrir la joie d’apprendre.

Encadrer la liberté : La clé d’une éducation Montessori authentique

Contrairement à ce que prétend G. Leroy, la liberté accordée aux enfants dans la pédagogie Montessori n’est en aucun cas un abandon éducatif. Le fait que l’enfant puisse choisir son travail ne signifie pas que les adultes se déchargent de leur responsabilité dans l’avancée de chaque élève. Au contraire, les éducateurs accompagnent activement les enfants dans le développement de leur autonomie, en adaptant l’enseignement à leurs besoins spécifiques.

Il apparaît donc que G. Leroy semble confondre les véritables pratiques Montessori avec de simples activités autonomes qui ne respectent pas les principes de cette pédagogie, ce qui le conduit à des conclusions erronées. Une activité Montessori authentique responsabilise les élèves en leur offrant un choix réfléchi d’activités, tout en s’inscrivant dans un cadre structuré qui garantit une progression continue des apprentissages. Ce modèle, déployé sur plusieurs années, permet aux enfants de développer progressivement leurs connaissances, leur personnalité, leurs compétences sociales, ainsi que les notions de liberté et d’égalité.

L’accusation selon laquelle cette pédagogie renforcerait les inégalités en déresponsabilisant les adultes et en imposant une trop grande responsabilité aux enfants est donc particulièrement grave et infondée. C’est d’ailleurs cette double exigence – un cadre structuré et un éducateur qualifié – qui a conduit à la création de l’association Public Montessori en 2015 pour soutenir les enseignants engagés dans cette voie.

Une pédagogie affranchie des querelles politiques

Au-delà des aspects pédagogiques, G. Leroy accuse Maria Montessori de collaboration avec le régime fasciste italien. Faut-il en déduire que tous les enseignants montessoriens étaient ou sont fascistes ? Une telle insinuation est clairement diffamatoire. La période en question dans la vie de Maria Montessori, qui a développé sa pédagogie sur 45 ans dans des contextes variés, est complexe et suscite encore des débats et des questionnements parmi les chercheurs et les enseignants. Elle mérite une analyse nuancée, loin des raccourcis simplistes. Réduire Montessori au fascisme n’est pas plus pertinent que de limiter les travaux de Célestin Freinet, Paul Langevin ou Paulo Freire à leur association avec le communisme. La pédagogie répond avant tout aux besoins des enfants, tels que nous les observons quotidiennement, bien avant d’être une expression de rapports de force politique.

Soutenir les enseignants de l’école publique

Depuis 2015, l’objectif de l’Association Public Montessori est clair : promouvoir l’école publique en apportant des réponses concrètes et ambitieuses aux besoins de ses élèves et de ses éducateurs. Nous invitons critiques et lecteurs à venir visiter nos classes dans toute la France et à observer directement comment nos approches pédagogiques permettent la réussite de tous les enfants, indépendamment de leur milieu socioéconomique.

Pour répondre à la crise de l’école, il n’est que trop urgent de reconnaitre le travail et l’engagement des enseignants plutôt que de leur faire la leçon de façon aussi grossière.

Aidez-nous à faire entendre notre voix en signant cette tribune et en la partageant largement.


¹Si G.Leroy a rapidement répondu à nos questionnements, le Café pédagogique, sollicité en vue d’un droit de réponse, n’a pas donné suite.