Sur le terrain pendant les « semaines de l’engagement »
De manière régulière, VersLeHaut va à la rencontre de personnalités, d’initiatives collectives qui font bouger les lignes de l’éducation. Ces rencontres enrichissent nos réflexions, et nous prouvent chaque jour que les solutions existent pour répondre à la crise éducative. Sur le terrain, beaucoup d’initiatives formidables voient le jour. Nous voulons mettre en lumière ces initiatives, pour qu’elles inspirent ceux qui souhaitent bâtir l’éducation de demain.
Cette fois, nous avons profité des « semaines de l’engagement » pour aller à la rencontre d’acteurs qui encouragent les jeunes à s’investir dans des initiatives collectives au service du bien commun. Ce sont des établissements scolaires ou des associations, avec des moyens et des outils différents, mais dont la finalité est la même : celle de donner du temps à des jeunes pour qu’ils s’engagent avec les autres et pour les autres.
« Les semaines de l’engagement », un dispositif méconnu
Situées en début d’année scolaire, les semaines de l’engagement visent à sensibiliser les élèves, dans les collèges et lycées, à l’importance de l’engagement sous toutes ses formes. Ce dispositif est supposé encourager les jeunes à s’investir dans des projets citoyens, associatifs, solidaires. Dans les faits, il demeure plutôt méconnu et les établissements peinent à se l’approprier.
En sollicitant plusieurs établissements scolaires pour rendre compte de leurs initiatives, les directeurs nous ont avoué l’avoir découvert en même temps que notre appel. Cela dit plusieurs choses, à commencer par le fait que ça ne soit pas une priorité ou que ça ne répond pas concrètement aux objectifs éducatifs. Ça illustre aussi une forme de décalage entre les mesures nationales et les besoins à l’échelle d’un établissement.
La plupart explique qu’ils n’ont pas attendu 2016 – année du dispositif – pour mettre en place des actions en faveur de l’engagement sociétal des jeunes. Certains établissements lancent par exemple des projets d’actions citoyennes menés par les élèves dans leur établissement ou dans leur quartier.
En effet, lorsque cela peut s’inscrire dans le projet de l’établissement, à l’image du lycée La Rochefoucauld à Paris, cela devient une véritable expérience collective qui dépasse les murs de l’école. Le projet éducatif de ce lycée intègre la dimension de l’engagement dont l’année de seconde constitue un tournant. L’engagement entre à ce moment-là dans le quotidien des élèves. Ils doivent donner 1 à 2h de leur temps chaque semaine pour une association – parmi une vingtaine en partenariat.
« L’engagement ce n’est jamais seul, c’est toujours avec les autres, surtout dans une école » nous glisse la cheffe d’établissement.
L’engagement des élèves sur le long terme permet de les responsabiliser, de les amener à faire des choix en conscience. Ce dispositif peut alors constituer la première brique à cette éducation à l’engagement. Les élèves peuvent y découvrir ce que l’engagement signifie, qu’ils peuvent faire plus qu’être délégués ou éco-délégués s’ils le veulent.
La méconnaissance du dispositif ne signifie donc pas qu’il est inutile. De nombreuses associations, comme Dreamakers ou Enactus, se font d’ailleurs parfois connaitre auprès des établissements scolaires grâce aux forums organisés durant ces semaines de l’engagement.
Le dispositif est l’occasion d’impulser des nouveaux projets et de valoriser ou créer des partenariats avec des associations locales expertes. Il est aussi un temps propice pour aborder le sujet de l’engagement au-delà des murs de l’école, et de son utilité.
Des jeunes engagés, à quelle fin ?
43% des 15-29 ans ont un engagement associatif1. Partant de ce constat, il apparait intéressant de creuser ce que cela signifie concrètement : qui sont ces jeunes qui s’engagent ? quels sont les types d’engagement ? Ce chiffre laisse-t-il à la marge des jeunes qui ne sont pas dans des associations mais qui se considèrent engagés ?
L’engagement est un terme dont la définition est souvent difficile à poser, limiter. Il implique généralement « un don de soi qui passe par la mise à disposition de ses compétences, de son temps, de son talent ou encore de son argent » pour Quentin Jagorel, directeur général de l’Institut de l’Engagement. Ce don de soi n’est pas forcément – et même rarement – désintéressé, ce qui n’est pas une mauvaise chose.
S’engager se nourrit souvent d’une motivation personnelle, qui rejoint l’intérêt collectif. Cette motivation peut se traduire par la recherche de nouvelles compétences, le développement de leur réseau ou un sentiment de satisfaction personnelle. Dans tous les cas, ces intérêts jouent un rôle moteur dans l’implication du jeune et enrichissent autant ce dernier que la cause pour laquelle il s’engage.
L’engagement n’est pas un incontournable dans les parcours des jeunes. Certains s’engagent parfois sans même le savoir ou le vouloir. Alors pour se maintenir dans la durée, cette expérience nécessite une forme de réciprocité. Il faut s’enrichir en rencontres, en compétences, qui peut parfois se muer en un sentiment d’appartenance. Autant de facteurs qui encouragent les jeunes à continuer.
En fait, l’engagement est souvent perçu par ceux qui le vivent comme une expérience collective. Marine Jannarelli, qui vient de finir 2 ans de mandat à l’ANESTAPS2, témoigne en ce sens : « pour moi, lorsqu’on s’engage ce n’est pas que pour soi »3 et poursuit en expliquant que cet engagement l’a amené à dire « nous » plutôt que « je » lorsqu’elle parlait de ses combats. Il y a là un véritable don de soi pour le collectif, pour l’autre. Mais elle exprime aussi beaucoup de gratitude et de bonheur à avoir rencontré « des personnes formidables ».
L’engagement constitue finalement une expérience du réel, comme un vécu de la confiance, pour ces jeunes. Lorsqu’on leur pose la question de ce que l’engagement leur apporte la réponse qui ressort le plus est la confiance en soi (47%)4. Dans notre dernière étude sur le sujet, nous montrons en quoi la confiance et l’engagement dialoguent aisément.
« C’est une démarche qui s’appuie sur la confiance en soi et qui cherchera à la mettre à l’épreuve. Dans sa dimension collective, c’est aussi une expérience de la confiance en l’autre. Enfin, difficile de songer à s’engager sans un minimum de confiance en l’avenir sans lequel la démarche se voit vidée de sa substance. »5
Finalement, parce que l’engagement s’apprend, il faut donner le goût et l’envie aux enfants et aux jeunes de s’investir. Leur donner les clefs pour initier l’appétence et qu’ils s’y retrouvent aussi. Sans le rendre obligatoire dans leur parcours, il apparaît intéressant de développer une éducation par le service dans leur cursus.
Alexanne Bardet
1 Regards croisés sur la jeunesse. Jeunes & associations : perceptions, besoins et attentes, Caisse d’Épargne, 2023.
2 Association Nationale des Étudiants en Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives.
3 10 personnes qui font bouger l’éducation, Les décryptages de VLH, 2024.
4 « On s’engage ? Face aux incertitudes, rebâtir du commun par la proximité. », Baromètre Jeunesse & Confiance, 2022.
5 Article « L’engagement, itinéraire bis de la confiance » dans Un sérieux besoin de confiance. Ce que nous devons à la jeunesse, octobre 2024.