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Le projet de regrouper les collégiens par niveau a soulevé des réactions contrastées, les unes pour saluer la fin de l’égalitarisme, les autres pour dénoncer l’abandon du collège unique. Comme souvent les débats sont aussi prompts à discuter des objectifs que peu soucieux des moyens d’y parvenir.
Classes de niveaux ou groupes de besoins ?
L’expérience montre que les groupes de niveaux sont pertinents à deux conditions. D’une part s’ils correspondent effectivement aux besoins des élèves en constituant des groupes ciblés sur des apprentissages précis. D’autre part, si ces groupes sont régulièrement refondus pour s’adapter à la progression des élèves.
Au contraire, si les élèves sont regroupés en fonction de leur niveau général, les classes ainsi constituées reflètent mécaniquement les différences sociales. Le gain des meilleurs élèves étant moindre que la perte de ceux qui sont ainsi placés en situation d’échec, les classes de niveau s’avèrent inefficaces pour relever le niveau général.
Cette simple distinction permet d’identifier trois orientations.
Mieux valoriser l’engagement des enseignants
Premièrement, les enseignements doivent mieux répondre aux besoins des élèves. Le service des enseignants correspond actuellement à un nombre d’heures de cours hebdomadaires, de 14 pour les agrégés à 24 pour les professeurs des écoles. En fonction du nombre de classes, les chefs d’établissements disposent d’une dotation horaire pour bâtir des emplois du temps correspondant aux programmes. Tout ceci a peu à voir avec la gestion de groupes temporaires et flexibles.
Le « choix des savoirs » implique donc de redéfinir le temps de travail des enseignants. PISA a souligné le faible soutien dont bénéficient les élèves français et la détérioration des apprentissages liées au manque d’enseignants. Alors que les enquêtes auprès des enseignants évaluent leur temps de travail à plus de 42 heures hebdomadaires, il n’est que trop temps de reconnaitre que leur engagement s’étend au-delà du seul temps d’enseignement.
Mobiliser les auxiliaires éducatifs
Deuxièmement, les groupes de besoins impliquent de régulièrement scinder les classes pour répondre à la progression des élèves. Cet objectif suppose de mobiliser 4 000 postes supplémentaires d’après le ministère, jusqu’à 20 000 d’après le syndicat des chefs d’établissements. Le double resserrement des contraintes budgétaires et du vivier de recrutement des enseignants s’y prête peu.
Une alternative consisterait à mieux associer les personnels d’assistance éducative : agents des écoles maternelles, assistants d’éducation, accompagnants handicap. Avec 250.000 emplois cumulés, ils constituent désormais la deuxième population de l’Education nationale. Massivement féminisés et précaires, ces métiers constituent une ressource éducative trop souvent ignorée.
Rapprocher écoles et collèges
Enfin, mieux suivre les élèves suppose une taille critique à partir de laquelle ce suivi est réalisable. Notre système éducatif se caractérise en effet par sa dispersion géographique, liée à la carte communale : près de la moitié des 48 000 écoles comptent moins de 4 classes. Dans ces conditions, il est aussi malaisé de former des groupes que d’allouer les moyens d’un accompagnement personnalisé : enseignants spécialisés, médecine scolaire, psychologues, etc.
Organisée en réseaux d’écoles autour d’un collège, l’éducation prioritaire fournit un modèle pour concilier proximité et richesse de l’offre éducative. Les réseaux mutualisent des moyens à l’échelle d’un bassin de vie, tandis que le collège fournit les fonctions administratives et financières. Ce rapprochement permet également de mieux suivre le passage entre primaire et collège, fragilité bien identifiée de notre système éducatif.
L’enjeu est moins de juger a priori de la pertinence d’une politique que d’identifier les facteurs-clés de succès. À trop opposer égalité et excellence, l’école ne parvient à atteindre ni l’une ni l’autre. C’est concrètement, localement, en se portant à la rencontre des besoins des enfants, que l’école sera à la hauteur de la mission que lui confie la nation.
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Guillaume Prévost est délégué général de VersLeHaut
Je pense que si on doit maintenir une mesure pour les groupes de niveau c’est celle de faire des groupes de bons en maths. Il n’est pas utile d’isoler les plus faibles et d’ailleurs ce serait trop coûteux en précieuses heures de profs de maths, car à la différence des bons, les faibles doivent être dans des classes à faibles effectifs. Les raisons de ce choix sont les suivantes :
– Tout d’abord il n’est pas stigmatisant de ne pas être classé dans le groupe des bons en maths et une belle carrière peut s’offrir à ces jeunes après un bac d’enseignement général même s’ils abandonneront les maths en Terminale. Certains ministres s’en vantent d’ailleurs. Simplement ils ne seront pas ingénieurs, chercheurs en sciences dures, profs de maths ou de physique, pilotes de ligne. Bon, ce n’est pas tragique.
– Ensuite il y a une grosse inégalité des chances qui est que l’école publique ne s’occupe pas des bons élèves de maths car elle n’en a pas le temps. Ceux dont les parents sont d’un milieu aisé vont souvent de ce fait les scolariser dans le privé. Ainsi on ne stimule pas, on ne pousse pas et on n’oriente pas correctement les bons en maths issus des milieux populaires. Ce phénomène a fait baisser de façon importante (en gros de 10% à 1%) le ratio des reçus aux meilleurs concours scientifiques issus des milieux populaires depuis 40 ans.
– Enfin, la réindustrialisation de la France nécessite, comme pour la médecine, qu’on augmente le nombre d’étudiants en CPGE scientifique et en fac de maths et de sciences. Sinon nous serons contraints de faire venir des ingénieurs chinois ou marocains.