Un baromètre, 8 éditions, 3 cohortes
Télécharger les résultats du Baromètre Jeunesse & Confiance 2022
Une analyse riche de la confrontation des regards dans le temps
Le baromètre Jeunesse&Confiance est publié tous les ans depuis 2015 par VersLeHaut, en partenariat avec l’institut de sondage Opinionway. Sa récurrence dans le temps – nous présentons cette année la 8ème édition – en fait un outil précieux pour suivre les tendances à l’œuvre, à court et moyen termes.
Grâce à ses trois collèges – jeunes, parents, chefs d’entreprise – ce baromètre permet de confronter les regards sur des réalités partagées : rapport à la société, à l’avenir, à l’école…
Face aux incertitudes, la proximité comme bouclier
Un monde incertain
Crise ukrainienne, crise climatique, crise du Covid, crise économique en perspective… L’avenir des jeunes est sous le signe de l’inconnu. Dans ce contexte, le rapport à l’avenir est marqué par l’incertitude et une difficulté à se projeter.
En tout cas en France : à la question de savoir s’ils pensent qu’ils auraient plus de chances de réussir hors de France, 51% des jeunes répondent par l’affirmative, un rebond de 7 points par rapport à l’année précédente.
Ainsi, les jeunes de toutes tranches d’âge partagent le même rapport à leur avenir : ils sont optimistes à 73%, en baisse de deux points par rapport à l’année précédente. Ce qui laisse penser que c’est bien l’avenir qui inquiète, plus que la situation présente.
De manière générale, diriez-vous de la vie future de vos enfants qu’elle sera ?
Malgré cela, le degré de satisfaction globale reste élevé, puisque les 3/4 des jeunes considèrent que leur vie correspond à leurs attentes (76%), un des plus hauts niveaux depuis 2015.
Les moins de 20 ans sont les plus nombreux à être satisfaits de leur vie actuelle : ils sont 80% à dire que leur vie correspond à leurs attentes, contre 70% des 23-25 ans. Ce qui confirme une tendance déjà observée les années précédentes, sans doute liée aux difficultés d’insertion sur le marché du travail auxquelles sont confrontés les plus de 20 ans.
Concernant votre avenir, êtes-vous :
Les parents partagent visiblement les inquiétudes de leurs enfants. Parmi les parents interrogés, près des deux tiers pensent que l’avenir de leurs enfants sera plus difficile que le leur, un bond de 6 points depuis la dernière édition et le plus haut niveau observé depuis 2016.
Des jeunesses
Dans ce contexte, les jeunes interrogés témoignent de leurs difficultés à avoir accès aux soins : le niveau de ceux qui disent que cela leur est “facile” n’a jamais été aussi bas depuis la création de notre baromètre. Alors qu’on sait que les troubles d’ordre psychologique ou psychiatrique sont en croissance continue depuis les débuts de la pandémie dans cette tranche d’âge, c’est un signe préoccupant, qui ne peut que renforcer les appréhensions à l’égard de l’avenir.
Cette difficulté est particulièrement marquée chez les femmes (6 points de moins que les hommes ou, pour les non franciliens (9 points d’écart entre l’Ile-de-France et la province). Les étudiants sont au contraire les plus nombreux (80%) à dire qu’il leur est “facile” d’avoir accès aux soins, ce qui met en évidence le rôle que peut jouer le statut d’étudiant dans l’accès à de nombreux services.
Cela vient aussi rappeler que si l’âge est une variable d’analyse importante, il n’y a pas une mais des jeunesses, traversées par les mêmes différences et inégalités que le reste de la société française.
Aujourd’hui, diriez-vous qu’il est facile pour vous…
Le décrochage se poursuit aussi sur les pratiques culturelles. malgré la fin du confinement et la reprise des festivals, par exemple. Les étudiants et les moins de 20 ans sont plus nombreux à considérer qu’il est facile de pratiquer les activités culturelles qui les intéressent, ce qui tend à montrer là encore que le cadre d’études peut être favorable aux pratiques et à l’accès à certains services.
De manière générale, diriez-vous de la vie future de vos enfants qu’elle sera ?
La famille : valeur refuge
Si l’horizon s’assombrit, les jeunes sont nombreux à pouvoir compter sur leur famille, ils sont même une écrasante majorité dans ce cas : 88%. Un niveau comparable à celui atteint dans les éditions précédentes.
Il y a une certaine corrélation entre le soutien familial et la confiance dans l’avenir : 79% des jeunes qui considèrent qu’ils peuvent compter sur leur famille sont optimistes, soit 6 points de plus que la moyenne des jeunes interrogés.
En cas de difficultés, diriez-vous que vous pouvez compter sur votre famille pour trouver du soutien et des conseils ?
Les parents sont aussi ceux qui incarnent le mieux l’engagement pour les trois collèges interrogés (jeunes, parents, dirigeants) : dans les 3 cas, au moins un répondant sur deux cite les parents comme “acteurs incarnant le mieux l’engagement”. Ce qui paraît confirmer l’importance revêtue par la famille comme repère face aux incertitudes. Mais aussi comme paravent contre des difficultés sociales qui ne trouvent pas toujours de prise en charge institutionnelle. On peut deviner en creux le rôle joué par des aidants familiaux, par exemple.
Paradoxalement, les jeunes interrogés sont aussi plus nombreux à citer les militants ou bénévoles comme incarnant l’engagement.
Quels acteurs vous semblent incarner le mieux l’engagement ?
L’école, dernier commun ?
La confiance dans l’école reste à un niveau élevé. Sur un item en particulier, la confiance des jeunes n’a jamais été aussi élevée : ils sont 54% à considérer que le système éducatif français est un facteur de réduction des inégalités sociales. D’ailleurs, si on fait exception du rebond dû à “l’effet Samuel Paty” en 2020, tous les items sauf un sont au plus haut depuis le début du baromètre.
On peut penser que l’insistance portée sur l’école dans le débat public, en particulier dans le cadre de la campagne pour les élections présidentielle et législatives, joue sur l’importance accordée à cette institution.
Cela va en tout cas à rebours de la vision de l’école comme à bout de souffle et incapable de remplir ses missions, qui paraît parfois dominer certains discours publics.
Avez-vous confiance dans le système éducatif pour :
Les étudiants du supérieur sont aussi les plus satisfaits. Cette corrélation a sans doute des sous-jacents sociologiques – les étudiants sont plus souvent issus de classes sociales favorisées – mais indique aussi le rôle que peut jouer l’environnement scolaire et universitaire dans la confiance en soi et son avenir. Les diplômés de bac +2 ou davantage sont ainsi 77% à être optimistes pour leur avenir, alors que les titulaires d’un CAP ou BEP sont optimistes à 60%.
Les environnements d’études sont aussi des lieux de socialisation importants, voire d’engagement : les études sont un des premiers lieux d’engagement cités par les jeunes interrogés.
Corrélation entre le niveau d’études et la confiance
L’engagement :
Désordre global, engagement local
L’attachement des jeunes à différentes formes d’engagement ressort clairement de leurs réponses. Les jeunes sont préoccupés par des questions d’ordre “macro” : crises environnementale et climatique, discriminations et inégalités… Face à ces enjeux qui les dépassent, ils développent un “pouvoir d’agir” et de changer les choses dans leur environnement quotidien : école et université, famille et sport, notamment.
On pourrait dire des jeunes qu’ils s’engagent dans et par la relation. D’ailleurs, ils sont nombreux à échanger avec leurs proches sur les sujets qui les interpellent – plus que leurs parents, que ce soit par les réseaux sociaux ou “IRL” (dans la “vraie” vie).
Dans quel cadre avez-vous déjà fait l’expérience d’un engagement ?
Par ailleurs les jeunes sont plus nombreux que leurs parents à avoir occupé des fonctions électives au cours de leur parcours, notamment scolaire. Un écart générationnel qui permet de voir l’importance que peut revêtir l’expérience de la démocratie scolaire pour l’apprentissage des usages et pratiques démocratiques. D’ailleurs les diplomés de bac+2 et au-delà sont 40% à avoir fait l’expérience de l’engagement dans le cadre scolaire ou universitaire.
Dans quel cadre avez-vous déjà été élu ou choisi pour représenter un groupe ?
L’engagement, palliatif éducatif ?
A voir les réponses des différentes catégories de répondants, on peut se demander si la société ne reproche par aux jeunes le miroir qu’ils lui tendent. La baisse d’engagement dans les associations, partis politiques et syndicats dépasse largement la tranche des 16-25 ans, qui ne peuvent être hermétiques aux discours de désaffection envers les institutions et corps institués. Paradoxalement, les jeunes interrogés sont même plus ouverts à s’engager dans un parti politique ou par un mandat électif que leurs parents. Sans surprise, les jeunes sont aussi plus nombreux que leurs parents à citer le service civique comme lieu possible d’engagement.
On peut souligner la place très importante du sport, qui semble agir comme un des lieux privilégiés de la représentation des jeunes, mais aussi de leur engagement. C’est un levier visiblement essentiel de l’action de proximité qui semble caractériser l’engagement privilégié par les jeunes.
A travers quel type d’organisation auriez-vous envie de vous engager ?
Mais les modalités d’engagement rappellent une fois encore les différences qui travaillent les jeunesses. Ainsi, les femmes considèrent davantage que les soignants incarnent l’engagement (20% vs 14% les hommes), alors que les hommes considèrent davantage que c’est le cas des militaires (15% vs 8%). De la même manière, les femmes sont presque deux fois plus susceptibles de s’engager pour l’égalité hommes-femmes que les hommes (40% vs 22%)
Quelles sont les causes pour lesquelles vous seriez susceptibles de vous engager ?
L’entreprise au défi de l’engagement des jeunes
Le sentiment que les entreprises font confiance aux jeunes pour leur confier des missions importantes augmente de manière presque continue sur les différents items testés depuis les débuts du baromètre.
Par ailleurs les jeunes en emploi et les 23-25 ans sont plus nombreux que les autres à considérer que les jeunes sont bien représentés dans l’entreprise : 50% contre 40% en moyenne, ce qui tend à montrer que l’expérience de l’entreprise est positive en termes de représentation des jeunes.
Pensez-vous que les dirigeants d’entreprise font suffisamment confiance à un jeune de moins de 26 ans pour lui confier :
Pour les jeunes interrogés, l’expérience de l’engagement est fortement liée au développement des compétences psychosociales : confiance en soi et travail en équipe au premier chef. Or, ce sont à la fois des compétences valorisables dans le monde professionnel et souvent moins mises en avant dans les cadres d’apprentissage classiques – école, université. L’engagement peut donc s’inscrire dans la continuité et la complémentarité des parcours d’apprentissage formel.
De manière marquante, les plus nombreux à établir le lien entre confiance en soi et engagement se trouvent parmi les moins de 20 ans (51%) et ceux qui ont l’impression qu’on ne fait pas confiance aux jeunes (50%) : comme si l’engagement venait combler un manque de confiance ressenti par ailleurs.
Quelles compétences estimez-vous liées à l’engagement ?
De manière générale, diriez-vous que les entreprises font suffisamment confiance aux jeunes ?
Les dirigeants interrogés sont une majorité à identifier l’engagement bénévole comme une ressource pour le développement de compétences qui rejoignent le savoir-être en entreprise. Alors même qu’ils ne sont que 20% à considérer que l’enseignement reçu à l’école est adapté aux réalités du monde du travail actuel.
L’engagement bénévole d’un candidat vient donc en apparence pallier des manques identifiés dans la formation, en tout cas en ce qui concerne les compétences relationnelles essentielles au travail en entreprise. De quoi les convaincre de faire plus confiance aux jeunes ?
Quelles compétences développées lors d’un engagement bénévole sont valorisables à l’embauche selon vous ?
Les expériences d’engagement envoient donc un signal positif, identifié à la fois par les jeunes et par les dirigeants. Une voie pour contribuer à établir un lien de confiance durable entre les entreprises et les jeunes.
Conclusion : l’engagement, de l’autre côté du miroir
Les pratiques d’engagement des jeunes font l’objet de nombreux commentaires et analyses. De l’idée d’une génération désengagée à l’interrogation sur le rôle et le sens des réseaux sociaux dans la représentation individuelle et collective d’une jeunesse consciente d’enjeux gigantesques auxquels elle peine à trouver une réponse. Comment affronter les conséquences du changement climatique ? Comment faire face aux troubles à l’est de l’Europe et à leurs conséquences dans leur vie quotidienne ? Comment s’adapter au monde post-Covid, avec la menace d’un retour d’une épidémie ?
Face à ces défis majeurs, le désir d’engagement des jeunes n’est pas mort. Mais il s’exprime différemment des pratiques des générations précédentes. A l’affiliation à des structures fortes et identifiées, par un attachement dans la durée, en vue d’un changement global, les jeunes paraissent préférer un engagement de proximité. Dans le cadre éducatif, mais aussi en famille et dans le sport.
Un engagement pour les autres mais aussi pour soi. Car l’expérience de l’engagement est éminemment positive pour ceux qui y ont accès : en termes de développement de soi, mais aussi de compétences valorisables sur le marché du travail.
Une réalité qui ne doit pas masquer les différences. Tous les jeunes ne s’engagent pas de la même manière, ni sur les mêmes sujets. A un engagement socialement valorisé, et facile à mettre en avant dans des processus de recrutement, source de distinction, il faut opposer l’engagement invisible de jeunes aidants familiaux, par exemple, qui remplissent un rôle essentiel mais difficile à mettre en lumière.
Il est donc essentiel de proposer à tous les jeunes des possibilités d’engagement, pleinement inscrites dans leur parcours de formation, à l’école et au-delà. C’est un moyen fort de tenir les promesses de l’école, de répondre aux attentes des enfants et des jeunes, de leurs parents et au-delà de la société tout entière.
Bonjour,
pourriez-vous nous donner un apperçu de la méthodologie employée dans la constitution du questionnaire et dans le démarchage des eprsonnes interrogées? Il semble qu’il y a ait des biais sui vont tous dans le sens de l’optimisme.
Ayant moi-même mes propres biais cognitifs et de fréquentation, plutôt pessimistes, le différentiel entre votyre enquête et mes perceptions ne laisse pas de m’interpeller.
Merci des réponses que vous pourres apporter ! Cordialement, Hervé Bry (CFTC)