Plus que de simples ateliers, ce que propose l’association A deux mains redonne ses lettres de noblesse à l’intelligence de la main tout en ouvrant de nouvelles perspectives aux collégiens.

Dans le Collège Sainte-Marie à Pérenchies, situé au cœur des Hauts-de-France, VersLeHaut est allé à la rencontre du « Club Ingénieux ». Constitué d’un professeur de technologie, de 24 élèves (dont quelques filles et une majorité des 5ème) et parfois un adulte expert, ce club se réunit tous les lundis en fin de journée pour un atelier lié aux travaux manuels.

Repères
¤ L’enseignement de la technologie en classe de 6e a été supprimé à la rentrée 2023.
¤ 70% des élèves de 3ème considèrent la découverte concrète des métiers comme une priorité.
¤ 1 jeune sur 2 n’a pas le sentiment d’être ou d’avoir été bien accompagné dans ses choix d’orientation.

Des sections manuelles, pourquoi faire ?

L’association agit dans des établissements scolaires variés, des zones rurales aux milieux urbains avec pour objectif d’introduire des sections manuelles dans tous les collèges. Puisque « l’éducation ne se limite pas à l’apprentissage théorique mais passe aussi par l’expérience concrète », comme l’explique Vincent Bruggeman, codirecteur d’A deux mains, ces sections offrent une troisième voie de mise en mouvement du corps, en plus des sections sportives et artistiques.

L’idée de base est assez simple : proposer deux heures hebdomadaires d’ateliers liés à la robotique, à la couture, au modélisme ou, pourquoi pas, au travail du bois, toute l’année scolaire. Une section manuelle se compose de 3 blocs :

  • Deux blocs de 10 séances autour d’une activité manuelle, de l’apprentissage d’un métier ;
  • Le troisième, perlé sur l’année, permet la visite et découverte de métiers et formations.

Au collège privé de Pérenchies, le choix s’est par exemple porté sur la robotique-mécanique, secteur très présent dans le département. Le lycée professionnel à côté propose même une filière auto-moto. Et dans le Club Ingénieux, chaque élève construit sa propre voiture télécommandée !

La section manuelle est également vectrice de liens. Dans et en dehors de l’établissement. L’enseignant en charge n’est donc pas seul. Un professionnel extérieur participe à ses côtés, un prestataire fournit les kits pédagogiques, l’association A deux mains apporte du soutien dans la structuration de la section, les entreprises ouvrent leurs portes… Autant de relations ponctuelles ou régulières qui feront entrer la section dans la culture de l’établissement et construirons le cadre économique de sa pérennisation.

Cultiver la curiosité, cultiver l’orientation

Les élèves qu’on a rencontrés avaient du mal à distinguer l’intellectuel du manuel. A raison. Est-ce que le fait de manipuler les corps en kinésithérapie en fait un métier manuel ? En fait, tout travail manuel mobilise de l’intellect et tout travail intellectuel a une dimension concrète et pratique.

Ils se disaient plutôt “touche à tout” et curieux, ce qui justifiait le choix du club ingénieux. Ils voulaient découvrir, ils voulaient comprendre. « Quand je manipule le matériel, j’ai l’impression d’apprendre autrement », témoigne un élève de 5ème et un autre surenchérit : « moi c’était que de la curiosité [quand je me suis inscrit] parce que je veux faire un métier qui n’a rien à voir… Coiffeur ».

Les élèves se disaient plutôt “touche à tout” et curieux.

Qu’ils envisagent déjà une carrière dans les métiers manuels ou qu’ils veuillent simplement un espace pour cultiver leur curiosité, la section manuelle leur permet de développer l’intelligence manuelle sans les enfermer dans un métier.

Une éducation par le faire

La section manuelle permet de dépasser le stade de l’initiation et de la découverte que beaucoup d’établissements proposent au travers d’ateliers (souvent sur la pause méridienne ou en fin de journée). Ici, les élèves montent véritablement en compétences grâce aux programmes pédagogiques qui ont été réalisés par des tierces personnes professionnelles.

Et au-delà de l’acquisition de compétences techniques, l’association souhaite encourager une réflexion plus large sur les choix professionnels et personnels des jeunes. En revalorisant les travaux manuels, les élèves vont pouvoir penser leur avenir d’une nouvelle manière : par une exploration continue plutôt qu’un choix définitif.

L’association ne fait pas ça pour des élèves en difficulté. « On le fait pour que chaque enfant puisse s’épanouir et être reconnu pour ce qu’il aime », insiste Vincent Bruggeman

L’association ne fait d’ailleurs pas ça pour des élèves en difficulté. « On le fait pour que chaque enfant puisse s’épanouir et être reconnu pour ce qu’il aime », insiste Vincent Bruggeman. En découvrant leurs capacités à manipuler, concevoir ou réparer, ils prennent confiance en eux et peuvent se projeter dans des projets concrets. En découvrant d’autres métiers autour du métier qu’ils connaissent déjà, ils élargissent leur champ des possibles. L’exemple typique est celui de garagiste : en plus de celui qui exerce ce métier, on peut découvrir des professionnels spécialisés dans la carrosserie, dans le commerce ou dans le service.

« Quand tu fais de la trompette, tu peux devenir trompettiste. Mais quand tes parents t’inscrivent à la musique, c’est souvent pour l’expérience collective, pas pour la carrière », résume Vincent Bruggeman. L’association veut permettre l’apprentissage de la main sans que l’élève se sente contraint d’en faire un métier. Dans un contexte où l’Éducation nationale cherche à diversifier ses approches, cette initiative résonne comme une invitation à réinventer l’école, une main tendue vers une éducation plus proche des besoins des jeunes.

article rédigé par Alexanne Bardet