Aujourd’hui se clôt l’édition 2017 du sommet World innovation summit for education, qui s’est ouvert mardi 14 novembre à Doha, la capitale Qatarie.
Fondé en 2010 à l’initiative du Qatar, le sommet Wise se tient tous les deux ans. A l’occasion de la séance plénière d’ouverture est annoncé le lauréat du Wise Prize for Education, surnommé le « Nobel de l’éducation ».
« Les lauréats du Prix Wise pour l’éducation sont des modèles inspirants pour tous ceux qui se consacrent à la construction de l’avenir de l’éducation en tant que fondement d’un monde plus sûr, prospère et durable ».
L’édition de cette année était placée sous le thème « Co-exister, co-créer : apprendre à travailler et à vivre ensemble », avec un objectif pour la « communauté mondiale de l’éducation […] de partager des expériences […] et d’identifier des pratiques innovantes concrètes pour relever les défis de l’éducation ».
Le quotidien Le Monde, partenaire de l’événement, a décidé de consacrer tout un dossier à ce sujet et d’explorer quelques initiatives en matière d’éducation.
Vers Le Haut revient sur les initiatives innovantes présentées pendant ce sommet international.
« Et si on arrêtait la compétition ? », la pédagogie fondée sur le travail collectif
Le Monde évoque les mouvements qui soutiennent les « pédagogies coopératives », par lesquelles les élèves travaillent sur des projets communs. Ces méthodes contribueraient à former « le futur citoyen capable de remplir ses devoirs envers ses proches et l’humanité dans son ensemble, mais aussi l’être humain conscient de sa dignité d’homme » selon ces mouvements (Ceméa, Crap-cahiers pédagogiques, Fespi, Icem, Ficeméa et GFEN).
Selon les mots de l’enseignant-chercheur Sylvain Connac : « Le travail de groupe permet [aux élèves] de communiquer leurs idées personnelles, d’entendre celles des autres, de les confronter et de chercher ‘qui a raison’, de ne pas parvenir à se mettre d’accord et, au final, de se poser tellement de questions que les explications de l’enseignant répondent à une faim avide de savoir ».
Par ailleurs, la communication rendue obligatoire par cet exercice permettrait de pallier le déclin de l’empathie chez les adolescents, « grands utilisateurs de technologies numériques et en particulier des médias sociaux, qui ne sont pas toujours bons pour leur développement » selon Pasi Sahlberg, ancien Directeur général du Centre de mobilité et de coopération internationales du ministère finlandais de l’éducation.
« Les ONG dessinent un système éducatif parallèle », les méthodes adaptées aux enfants non-scolarisés
Les organisations non gouvernementales se penchent sur la situation des enfants non-scolarisés (264 millions d’enfants dans le monde). Elles tentent de pallier les manques de moyens des États pour toucher ces publics et adapter l’école à leurs besoins : « le système éducatif rigide expulse ces élèves et les fait redoubler ! Nous, on pense que c’est au système de s’adapter », explique Carlita Arboleda, officier en chef des opérations de la Fondation Escuela Nuevas (lauréate du prix Wise 2013).
La Fondation Escuela Nova a ainsi mis en place un système de livrets d’apprentissage modulable, qui permet aux enfants d’ « [assimiler] les connaissances à leur propre rythme ».
Autre initiative, la Fondation The Essence of Learning (finaliste du prix Wise 2017) veut redonner confiance en lui à l’enfant traumatisé et le remettre sur la voie de l’apprentissage par le biais de « jeux simples, comme fabriquer une voiture avec des bouteilles vides ».
Enfin, Educate Girls a pour ambition de ramener les petites filles sur le chemin de l’école (200 000 en 10 ans), grâce à des volontaires qui rencontrent les familles par le porte-à-porte et offrent des cours de rattrapage aux nouvelles élèves.
« Ashesi, laboratoire du Ghana de demain », ou la résolution des problèmes du pays grâce au travail collectif des étudiants
A l’université Ashesi, fondée par l’ancien manageur ghanéen de Microsoft et lauréat du Wise Prize for Education 2017 (le « Nobel de l’éducation »), « l’enseignement est une conversation ».
Dans cette école privée, dont la moitié des élèves sont boursiers, les élèves sont préparés au marché de l’emploi grâce aux projets de groupe.
Le plus notable d’entre eux, le cours de « foundations for design and entrepreneurship » (fondements de la conception et de l’entrepreneuriat), durant lequel les étudiants forment des groupes et travaillent à la résolution des problèmes rencontrés par le Ghana.
« Chaque étudiant choisit en début d’année un problème existant au Ghana et a deux semestres pour trouver une solution qui pourrait contribuer à le résoudre », avant de soutenir leur projet et d’avoir une chance de bénéficier d’un financement pour transformer leur projet en véritable entreprise.
« Après la guerre, le chemin de l’école », les enfants vivant dans les camps de réfugiés et les vertus intégratrices de l’école
Dans les camps de réfugiés, ONG et organisations internationales se sont investies de la mission de scolariser les enfants, selon la préconisation du Haut-Commissariat aux réfugiés (agence de l’ONU) qui a placé en tête de son agenda la « priorité éducative ». L’Unicef soutient ainsi trois centres d’enseignement dans le camp de Zaatari en Jordanie (70 000 syriens). Dans ces centres, les plus jeunes réapprennent les bases de l’enseignement (lecture, écriture, calcul) et les moins jeunes, un métier.
Dans ce cadre particulier, « accéder à la lecture, à l’écriture ou à l’information là où on est le plus éloigné est fondamental pour la reconstruction des êtres, pour rétablir les liens avec le reste de l’humanité. Offrir cette possibilité, c’est aider à sauver des vies en leur redonnant un sens », comme l’explique Patrick Weil, le fondateur de Bibliothèques sans Frontières.
Et Céline Schmitt, porte-parole du Haut-commissariat aux réfugiés en France, d’insister sur les « vertus intégratrices » de l’école : « nous essayons dans la mesure du possible d’appuyer les réseaux d’écoles qui accueillent les réfugiés, pour que les enfants se mêlent à la population locale et étudient dans la langue du pays où ils grandissent ». Une initiative qui a porté ses fruits au Tchad, où le taux de réussite au baccalauréat des réfugiés a dépassé le taux de réussite des autochtones.
Ces initiatives principalement issues des pays du Sud peuvent nous inciter en France à repenser certains pans de notre système éducatif, pour que celui-ci soit plus accessible aux publics éloignés de l’école.
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