Préoccupation majeure des jeunes, l’écologie n’a fait l’objet que de 3% du temps de parole des candidats avant le premier tour. Sujet central de la vie de tous les Français, l’éducation n’a pas fait beaucoup mieux lors du débat du 20 avril 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen où seulement 14 minutes lui ont été accordées sur 3 heures d’émission, soit moins de 8% du temps global.
Une éducation en peine
À l’image de la presse au lendemain de ce débat d’entre-deux-tours, il est possible de chercher un éventuel vainqueur de la confrontation. Les journaux décrivent des échanges cordiaux, soulignant un statu quo favorable au président sortant toujours en légère avance dans les sondages. Nous pouvons cependant déplorer une grande perdante de la soirée : l’éducation apparue tardivement dans le débat et trop peu longtemps. Le mot “priorité” a été prononcé par les deux candidats pour parler de l’enjeu éducatif, on peut douter qu’il le soit réellement. Parmi les premières préoccupations des Français, on trouve l’école qui forme la jeunesse et prépare les futures générations avant la vie active. Véritable défi, l’éducation mérite mieux qu’une opposition rapide entre une école ouverte, défendue par le président sortant, et une école du respect et des fondamentaux, fer de lance de la candidate du Rassemblement national.
Question de timing
14 petites minutes sur un débat d’environ 3 heures, 14 minutes après plus d’une heure et demie d’échange sur la guerre en Ukraine, la sortie du Covid-19 et le pouvoir d’achat. Y a-t-il au fond une raison suffisante pour reléguer l’éducation vers la fin de l’émission ?
Lorsque le journaliste de TF1 Gilles Bouleau interpelle les candidats afin de parler de la chute de la France dans le classement PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves) notamment en mathématiques, Emmanuel Macron décide plutôt d’embrayer sur l’agriculture. Après de multiples relances de Léa Salamé rappelant aux deux invités la prégnance et l’importance du sujet de l’école, 3 longues minutes plus tard le président en parle enfin. Dans l’ensemble, on peut reprocher un traitement trop minime d’un thème central de la vie des Français. Au-delà du timing, le débat a également montré une opposition de fond plate et sans surprise sur la question éducative.
Une opposition programmatique convenue
Les mesures évoquées à quatre jours du second tour sont toutes dans le programme des deux candidats. Rien de surprenant pour les téléspectateurs qui ont vu deux visions attendues s’affronter.Les fondamentaux, en français et en mathématiques, sont des objectifs visés par les deux candidats. De même pour l’apprentissage, objectif commun. Du côté des enseignants, Marine Le Pen augmente le salaire des enseignants à hauteur de 3% par an quand le président sortant s’engage à assurer un salaire minimum de 2000 euros.
C’est ensuite une succession de mesures différenciées pour le système éducatif sans véritable vision. Emmanuel Macron a expliqué sa volonté « d’instaurer 30 minutes de sport par jour » à l’école primaire, mais aussi « le dédoublement des classes » dès lors que cela est possible. Il a exprimé son souhait de « permettre la découverte de différents métiers », de la 5e à la 3e. Au lycée, le président sortant promet de rémunérer et d’augmenter les périodes de stage dans les filières professionnelles de 50 %. Il veut aussi intégrer les mathématiques au tronc commun dans la filière générale.
Marine Le Pen veut de son côté limiter le nombre d’élèves par classe à 20 à l’école primaire, et à 30 au collège. La candidate du RN souhaite remettre le français, les maths et l’histoire au cœur des programmes du collège, et faire du brevet de troisième un examen d’orientation. « Je veux refaire du baccalauréat un examen de valeur », a également précisé la candidate du Rassemblement national, soulignant sa volonté d’un « retour des filières littéraires, scientifiques, économiques ».
Après l’école, les deux candidats ont ensuite parlé d’enseignement supérieur. Emmanuel Macron propose d’ouvrir des places dans les formations professionnelles, comme les BTS et les licences professionnelles. Il veut aussi réguler les filières qui ne mèneraient pas assez à l’emploi. Marine Le Pen a insisté sur le pouvoir d’achat des étudiants qui travaillent à côté de leur étude. Elle veut dans ce sens augmenter de plus de 20% leur revenu.
Enfin, Emmanuel Macron insiste sur la méthode d’action : des grands objectifs fixés au niveau national et une déclinaison locale sur le terrain de la politique éducative où l’innovation pédagogique serait encouragée. Marine Le Pen conclut en parlant d’un retour à la discipline et l’autorité, en insistant sur une école de la transmission dans la “tranquillité” et la création d’internats pour les élèves les plus récalcitrants. Enfin, elle évoque la nécessité d’une action publique scolaire qui “ne s’arrête pas aux grandes villes”.
Tout se passe comme si l’école servait de prétexte pour aborder les thèmes au programme des candidats, faisant oublier alors que l’éducation dépasse le simple cadre scolaire. En 14 minutes, il paraissait compliqué d’aborder la petite enfance, la continuité éducative entre les parents, les enseignants et les acteurs de terrain, le suivi de la carrière des enseignants, l’accompagnement des jeunes les plus fragiles, et l’engagement de la jeunesse. Des sujets pourtant essentiels à l’avenir de nos enfants.
Oscar Leroy
Chargé d’études