Dès 2040, la France comptera davantage de retraités que de jeunes. Nous n’avons pas les moyens de continuer à laisser près du quart d’une génération sur le bord du chemin. Synthèse et analyse de la note de la Cour des comptes « L’insertion des jeunes sur le marché du travail » de décembre 2021.
Des dispositifs d’insertion coûteux, illisibles et inefficaces
Bien que l’éventail de dispositifs d’insertion existant soit extrêmement coûteux, la Cour des comptes montre qu’il est particulièrement illisible. Faut-il commencer par faire un stage, un apprentissage, une formation ou par chercher une expérience professionnelle ? Faut-il s’adresser à Pôle emploi, aux missions locales ou à la région ? Mais au fait, c’est quoi la Garantie jeunes ? Même si le nouveau plan #1jeune1solution entend mieux articuler les différents dispositifs, les possibilités d’insertion dans l’emploi restent une nébuleuse incompréhensible pour les jeunes et leurs familles.
- Le chiffre à retenir : 10 milliards €, c’est le budget attribué annuellement à l’insertion des jeunes dans l’emploi. Cette somme représente l’équivalent du coût employeur annuel de 500.000 SMIC, soit autant que le nombre de chômeurs entre 15 et 25 ans (de catégorie A).
Quand les jeunes parviennent malgré tout à bénéficier d’un dispositif, la valeur ajoutée est très faible : l’insertion dans l’emploi sur du moyen terme est loin d’être garantie.
- Le chiffre à retenir : +10 points sur le taux d’emploi des jeunes ayant bénéficié quelques mois avant d’un dispositif d’insertion par rapport aux autres. C’est 4 fois moins que la plus-value d’un diplôme du supérieur (+40 points).
Conséquence : il y a 2,5 fois plus de risques d’être sans emploi pour les jeunes français que pour l’ensemble des générations confondues, contre moins de 2 fois en Allemagne.
Un impératif de performance et d’accessibilité
Pour assurer performance et accessibilité des dispositifs d’insertion pour tous les jeunes, la Cour des comptes engage à conduire quatre actions.
1) Toucher les décrocheurs qui sortent du système éducatif sans qualification et se tiennent à distance des institutions, en coordonnant les collectivités territoriales, les missions locales et les associations agissant auprès de ces invisibles à partir des modèles expérimentés localement les plus efficaces.
2) Orienter chaque jeune – et en priorité ceux les plus éloignés du marché du travail – vers un dispositif adéquat en améliorant les outils de diagnostic et en privilégiant les jeunes les plus vulnérables dans les parcours intensifs.
3) Assurer la qualité de l’accompagnement à chacune des étapes du parcours d’insertion en définissant précisément les objectifs d’un dispositif, en évaluant ses résultats et en faisant dépendre les financements de cette performance, à commencer par le nouveau contrat d’engagement.
4) Éviter toute rupture de prise en charge par la bonne coordination des acteurs grâce à la mise en place d’un guichet unique comme cela se fait dans près de la moitié des pays de l’Union européenne, et par la clarification de la distribution des compétences entre État et régions.
École, familles, collectivités et entreprises : chacun a son rôle à jouer
VersLeHaut souligne l’importance de mener des réformes d’ampleur auprès de ces acteurs publics spécialisés dans l’insertion professionnelle des jeunes, dans le sens de la simplification des dispositifs et d’une plus grande lisibilité pour les jeunes et les familles.
Plus généralement, les échecs successifs des dispositifs d’insertion mettent en évidence la centralité d’une approche plus en amont, dès le collège. Une approche fondée sur la connaissance des jeunes et de leurs familles et sur des compétences acquises tout au long de leur scolarité. Au lieu de dépenser énergie et moyens à aller chercher les jeunes décrocheurs, sans résultats probants, donnons à tous les moyens d’une orientation réussie.
De ce point de vue, l’analyse de la Cour évoque rapidement, sans s’y arrêter, les rôles complémentaires que l’école et les entreprises peuvent jouer pour faciliter l’entrée sur le marché du travail des jeunes.
À l’école, les professeurs principaux se voient confier la mission essentielle d’aide à l’orientation de leurs élèves à travers quelques heures dédiées. Mais ils manquent de ressources et de temps disponible pour coordonner le parcours d’orientation de tous leurs élèves. Car ils doivent à la fois former ceux-ci à l’orientation, développer des liens avec l’univers professionnel et organiser des rencontres individuelles avec l’enfant et sa famille. En attendant un véritable appui pédagogique et financier du ministère de l’Éducation nationale pour remplir cette mission, des initiatives comme Crée ton avenir !!!, qui propose des activités pédagogiques, une plateforme digitale et la réalisation de stages collectifs, facilitent le travail des enseignants.
Quant aux entreprises, elles ont, elles aussi, une responsabilité éducative pour assurer la meilleure intégration professionnelle des jeunes, en étant un appui à l’orientation dès le collège, un acteur de la formation initiale avec l’apprentissage et un acteur de l’insertion des jeunes. Pour les inciter à se saisir de cette responsabilité, nous proposons notamment d’intégrer des indicateurs ambitieux liés à des actions éducatives dans les obligations de reporting extra-financier des entreprises (% de recrutement à la fin d’un contrat d’alternance ou d’un stage de longue durée, nombre de contrats d’apprentissage avant le bac, taux de rupture des contrats d’apprentissage, investissement consacré à la formation des tuteurs, nombre d’interventions de collaborateurs dans des établissements scolaires etc.).
Ainsi, c’est en concevant de manière large la réforme des dispositifs d’entrée dans l’emploi que nous pouvons espérer réduire le chômage des jeunes et assurer un avenir serein à notre pays.
Camille Amilhat
Responsable de la recherche et de la valorisation
Retrouvez ici le défi 5 des États Généraux de l’Éducation
Retrouvez ici notre “Manifeste pour la responsabilité éducative des entreprises”