Face aux défis de l’enclavement rural, l’association 432A agit depuis 15 ans pour accompagner des jeunes décrocheurs, en tissant les liens qui manquent entre école, famille, milieu professionnel et avenir.
L’association 432A est un acteur de proximité par excellence. 432A pour 4ème 3ème 2nde accueil, accompagnement, apprentissage, alternance, etc. est une micro-association qui lutte contre la déscolarisation des jeunes, à partir de 13 ans, au sein du territoire rural et montagneux du Nord du département des Hautes Alpes – de Savines-Le-Lac jusqu’à la Grave. Pour ce faire, les deux coordinateurs socio-éducatifs accompagnent individuellement les jeunes et leurs familles.
140 000 habitants : c’est l’équivalent de la population du 12ème arrondissement de Paris… et de l’ensemble du département des Hautes Alpes. On comprend aisément que les réalités territoriales ne sont pas les mêmes. Dans la zone d’action de l’association, il n’existe que deux villes de plus de 5 000 habitants (Briançon et Embrun). Pour le reste, ce sont des petites communes, des fonds de vallée… avec peu de prestations de service, peu de parcours post-baccalauréat, peu de transports en commun, peu d’accès aux soins.
repères ¤ Tout élève français ou étranger résidant en France doit suivre sa scolarité jusqu’à l’âge de 16 ans. ¤ En France, 5,2 % des 14-16 ans ne sont pourtant pas scolarisés. ¤ Et ce sont 110 000 jeunes qui quittent le système scolaire sans diplôme en France en 2023. |
Pas de bureau, pas d’horaire
Ce territoire connait les mêmes problématiques que d’autres territoires ruraux, à la différence près que son enclavement rend l’accès aux jeunes qui décrochent très difficile. Quand les deux coordinateurs socio-éducatifs – Françoise et François – de l’association se sont rencontrés, dans leur précédente fonction, ils ont partagé un même constat : qu’ils soient dans Briançon ou dans les fonds de vallée, des jeunes passent entre les mailles du filet parce qu’« on ne prend pas le temps d’aller jusqu’à eux ».
La voiture permet de lever le frein de la mobilité, donc de l’isolement. Les jeunes qui décrochent dans un territoire comme celui-ci se font discrets et passent sous les radars. Alors 432A va jusqu’à eux et leur famille, parfois jusque chez eux. Souvent c’est lors de ces rencontres que les éducateurs découvrent la part immergée de l’iceberg : des parents dans le rouge depuis longtemps, des problèmes d’addiction aux jeux-vidéos, etc.
L’idée n’est pas de forcer un jeune à continuer un cursus scolaire mais s’assurer qu’il ne s’isole pas.
L’association répond à des besoins d’immédiateté. Lorsque 432A est sollicitée, parce que les institutions présentent sur le territoire ne peuvent plus agir, la rencontre avec l’enfant doit souvent être faite le jour même. Françoise et l’infirmière du lycée m’ont parlé du cas d’un jeune qui, le jour des vacances, avait annoncé qu’il ne reviendrait pas à la rentrée prochaine. Françoise avait été contacté d’urgence pour le rencontrer avant qu’il « ne disparaisse dans la nature ».
L’idée n’est pas de forcer un jeune à continuer un cursus scolaire mais s’assurer qu’il ne s’isole pas. L’infirmière confie à ce moment-là que pour « le jeune, il faut être là quand il en a besoin », certaines situations nécessitent alors de sortir des sentiers battus.
Le temps de construire la confiance
Françoise comme François n’ont ni contrainte horaire ni cadence à respecter. Seule condition : accompagner au mieux le jeune. Cela leur permet de prendre le temps nécessaire avec les jeunes et leur famille, pour construire des relations de confiance.
« Je ne m’attendais pas à ce que je puisse faire confiance mais quand j’ai vu que Françoise ne disait rien, j’ai fait confiance. Et puis, elle ne me lâche pas. » confie Alice, 16 ans, accompagnée par 432A depuis plusieurs mois déjà.
Les éducateurs tiennent à être aussi disponibles que possible. Françoise m’expliquait que lorsque cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas eu de nouvelles du jeune, elle l’appelait. Et s’il ne répondait pas, elle le rappelait. Elle réitérait jusqu’à l’avoir au bout du fil. Peut-être est-ce paradoxal mais cette insistance leur fait du bien, ils se sentent soutenus, estimés.
« J’avais perdu confiance en moi, en les autres. Françoise m’a redonné l’envie de faire ce que je faisais et que j’aimais, comme le sport. » Paul, 19 ans, accompagné depuis plusieurs années.
Et en agissant sur le temps long, l’association devient souvent cet intermédiaire à la croisée des différents milieux qui composent le quotidien d’un jeune (de l’établissement scolaire à la famille en passant par la mission locale, le centre d’information et d’orientation ou l’entreprise).
De l’arrière-pays au monde du travail
Cela fait plus de 15 ans que l’association agit sur le territoire, elle est un acteur reconnu et identifié. La plupart des jeunes leur sont maintenant signalés par l’institution scolaire. Et certaines situations sont encore repérées par les réseaux des deux éducateurs (des parents, élus, partenaires…). De cette façon, Françoise en est certaine, « on ne laisse plus de jeunes de notre territoire sur le carreau ».
La lutte contre le décrochage scolaire est une compétence des établissements scolaires. Les acteurs de la prévention spécialisée relèvent quant à du monde associatif et des collectivités territoriales. 432A se trouve à la croisée de ces deux enjeux. L’association prône un travail transversal : faire de la mise en lien ou être mise en lien, mais sans jamais « prendre la place de personne ».
Et les élus locaux tout comme les familles voient l’utilité de l’association, ce qui lui permet de montrer patte blanche. Les chefs d’établissement qui travaillent de concert avec 432A offrent un siège à Françoise au groupe de prévention du décrochage scolaire. Cette instance permet de prévenir et intervenir dès les premiers signes de décrochage.
« Pour les 16/25 ans il existe des solutions, mais avec les moins de 16 ans, on est coincé. »
Cela donne parfois lieu à la mise en place de stages supplémentaires ou à des visites d’entreprise sur le temps scolaire avec les éducateurs par exemple. Au collège, il existe peu de formations pour les moins de 16 ans alors ces stages sont une alternative temporaire. Au lycée, parce qu’ils sont nombreux à vouloir rejoindre la voie professionnelle, qu’ils considèrent comme plus accessible, moins scolaire, rémunérée et qui leur permet de se former en apprentissage. Mais ils sont parfois très éloignés des exigences du monde du travail et du statut de salarié. Ces stages leur font prendre conscience des obligations et des devoirs que la signature d’un contrat d’apprentissage implique.
L’idée n’est pas de les dissuader ou de les « dégouter » mais de s’assurer que cette (ré)orientation ne soit pas un échec. Ni d’ailleurs qu’elle soit une rupture dans le parcours que le jeune construit. Que Françoise et François interviennent avant, pendant ou après le « décrochage », ils cherchent à recréer du lien dans des phases transitoires qui en manquent souvent cruellement.
Finalement, les actions de 432A depuis plus de 15 ans prouvent qu’une association de proximité peut changer durablement la trajectoire de vie des jeunes en milieu rural dans un contexte où la question du décrochage scolaire est très politique. La flexibilité et la liberté d’actions d’associations comme 432A apportent des réponses concrètes aux besoins immédiats et souvent complexes des jeunes. Puisqu’il y a une vie après l’école, les actions de l’association s’attachent à ce que le jeune trouve une voie professionnelle mais plus largement à sa stabilité émotionnelle et sociale.
article rédigé par Alexanne Bardet