Avec les dernières chaleurs du Sud, VersLeHaut est allé à la rencontre du Cours Ozanam, au nord de Marseille. Cette école du réseau Espérance Banlieues met en œuvre une pédagogie de l’appartenance fondée sur une école conçue comme une petite société.

Cela fait quelques temps maintenant que Cours Ozanam et VersLeHaut se tournent autour sans jamais se rencontrer. Lorsque Christophe Certain, co-fondateur de cet établissement scolaire, invite VersLeHaut à découvrir leur manière de faire école, voilà l’opportunité d’entamer cette relation. Le train est pris, un vendredi matin, pour découvrir les locaux, les pratiques pédagogiques, l’équipe et ses élèves.

Fondé en 2014, Cours Ozanam est un établissement scolaire qui accueille des enfants de la maternelle et du primaire. Cette école fait partie du réseau d’établissements privés indépendants d’Espérance Banlieues, un réseau de 17 écoles.

Une « école de la première chance »

En creusant un peu, Cours Ozanam en quelques chiffres c’est :

  • 88 élèves scolarisés, ce qui répond à la volonté de maintenir de petits effectifs pour répondre aux besoins des élèves ;
  • 17 salariés dont 7 enseignants et 2 éducateurs, ce qui apporte une richesse et une diversité dans l’équipe pédagogique ;
  • 4 services civiques chaque année, ce qui permet de soutenir les enseignants en classe et de proposer des activités pédagogiques sur les temps hors classe ;
  • une soixantaine de familles qui sont actif dans la vie de l’école ;
  • et une centaine d’anciens élèves qui gravitent autour qui reviennent et restent en lien.

Cette communauté semble nécessaire si « on veut faire de l’école un lieu d’épanouissement, un lieu où les enfants veulent grandir », nous confie Valentin Rebeix, directeur de l’école. C’est donc ce que l’équipe pédagogique s’emploie à permettre chaque jour en suivant leur boussole : les 5 piliers de la pédagogie Ozanam : éduquer ; enseigner ; enraciner ; faire alliance avec les parents ; et être une équipe.

Éduquer et enseigner vont de pair

On observe très clairement, dans cette petite école de Marseille, une cohérence entre les temps en classe et hors classe. La présence d’éducateurs et de jeunes en service civique permet d’offrir des temps périscolaires éducatifs adaptés aux élèves et en lien avec leur parcours. Par exemple, tous les vendredis après-midi, les élèves sont, soit en sortie scolaire (souvent des randonnées), soit en atelier.

Lorsque nous y étions, nous avons assisté à un atelier d’art – je n’allais quand même pas partir en randonnée – avec les CE2, sur le thème de l’impressionnisme. L’occasion pour les enfants de découvrir un mouvement pictural célèbre autour de l’huile sur toile Coquelicots de Claude Monet. C’est d’ailleurs une ancienne service civique de l’école qui est venue proposer l’atelier.

Elle présente la toile, la manière de peindre, dans quel contexte historique ce mouvement s’inscrit. Comme si elle racontait une histoire, elle embarque ces élèves qu’elle connait déjà pour les amener, ensuite, à essayer eux-mêmes cette technique picturale.

L’école comme petite société

Cet exemple illustre parfaitement cette petite société que cherche à construire l’école. Cours Ozanam tisse des liens privilégiés avec son environnement et son réseau1. Depuis ses débuts, ce sont plus de 150 professionnels de l’éducation qui ont collaboré avec l’école 

Concernant les jeunes en service civique, ils sont une quarantaine à y avoir passé entre 6 et 10 mois. Et non seulement Cours Ozanam a une maison des volontaires pour les accueillir et lever des freins comme la difficulté à trouver un logement. Les anciens reviennent aussi régulièrement, notamment lors d’événements comme la Nuit des anciens qui regroupent anciens élèves et anciens staffs.

Finalement, en partant de son ambition première, de lutter contre le décrochage scolaire et sociétal, Cours Ozanam nous propose une école dont les enjeux de continuité éducative, d’éducation au-delà de l’enseignement, et d’adaptation aux besoins des élèves et enseignants sont possibles.

Les solutions ne sont peut-être pas encore parfaites, mais elles sont le fruit d’une réflexion autour du fait de construire une « école augmentée »[1]. L’idée est d’accompagner ses élèves en profondeur, dans la durée ; et renforcer chaque acteur qui accompagne l’enfant dans sa fonction éducative.

L’expérience Ozanam ne laisse personne indifférent, et c’est ce qui en fait sa richesse.

Une expérience du commun

Cette école et son équipe s’inscrivent dans une dynamique d’expérimentation pour contribuer au renouveau de l’éducation en France. La Fondation Jean Jaurès dit de cette école qu’elle est une « expérience permanente et volontaire de mixité sociale et scolaire ». Par ces mots, on comprend que l’hétérogénéité de la communauté scolaire qui pourrait la fragiliser est en fait un levier pour innover, et créer du commun. 

En fin de matinée, nous avons eu l’occasion de vivre à hauteur d’adultes des méthodes et pédagogiques qu’ils utilisent pour leurs élèves. J’ai pu, par exemple, (re)découvrir la méthode de Singapour pour l’apprentissage des mathématiques et me familiariser avec la lecture consciente. Mais c’est définitivement la pédagogie de l’appartenance qui m’a le plus marquée.

Voir ce qui nous rassemble au-delà de nos différences.

En utilisant la métaphore de la fleur où chaque pétale représente une appartenance, l’idée est d’amener les élèves à comprendre que notre identité est plurielle, que certaines appartenances sont héritées, d’autres choisies, qu’il faut cultiver chaque pétale au risque d’en voir flétrir. Une fois qu’ils réalisent qu’ils sont chacun une fleur différente, ils comprennent aussi qu’une classe d’élèves devient un bouquet dont les différentes couleurs et forment des fleurs en font sa beauté.

Cet atelier est proposé aux élèves, mais parfois aux parents. Une maman est venue témoigner ce jour-là, elle exprime s’être rapprochée de parents qui ne partageait pas sa religion mais dont d’autres pétales étaient communs. Elle dit avoir accepté de « s’ouvrir aux différences » parce qu’il y avait du commun entre eux qu’elle n’avait pas vu avant. L’idée est finalement de voir ce qui nous rassemble au-delà de nos différences.

Alexanne Bardet


Les solutions existent ! Dans le cadre de ses enquêtes, VersLeHaut va à la rencontre de personnalités, d’initiatives collectives qui font bouger les lignes et apportent des réponses aux crises de l’éducation. VersLeHaut souhaite les mettre en lumière.


[1] L’école augmentée est l’ambition du pôle Autour de l’école que nous vous invitons à découvrir sur leur site : https://www.coursozanam.fr/autour-de-l-%C3%A9cole.