A la rentrée scolaire 2022, le dispositif de deux heures d’activité physique et sportive en plus par semaine au collège entre en vigueur. A la rentrée scolaire 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, exprime sa volonté de généraliser ce dispositif pour 2026. A la rentrée scolaire 2024, ce dispositif va être désormais circonscrit aux collèges en REP/REP+. A la rentrée scolaire 2025… Non, parlons d’abord de ce que cela implique.

Pour rappel, ce dispositif a pour objectif « de soutenir la pratique sportive des collégiennes et des collégiens qui connaissent, entre 11 ans et 14 ans, un décrochage significatif » d’après la circulaire sur le sujet[1]. L’idée est donc de proposer une nouvelle offre sportive gratuite, en complément de l’EPS, qui s’inscrit dans le projet de l’établissement. Ce sont les élèves qui sont les plus éloignés de la pratique qui sont principalement concernés par ce dispositif.

Objectif manqué, promesse avortée ?

La mise en œuvre d’un nouveau dispositif peut prendre du temps, de l’organisation, de l’accompagnement. Or la circulaire du début du mois met fin à la période d’expérimentation du dispositif Deux heures supplémentaires au collège (2HSC) après deux ans de mise en œuvre. L’argument avancé est double : complexité et insoutenabilité.

En effet, dans les 700 collèges bénéficiant du dispositif, 9 jeunes sur 10 inscrits à ces deux heures avaient déjà une activité sportive hors de l’école, selon une étude de l’INJEP[2]. Ce qui est loin, très loin, de toucher ceux éloignés de la pratique, objectif principal pourtant annoncé.

Le dispositif serait en effet « complexe à mettre en œuvre » disent conjointement la ministre de l’Éducation nationale, Anne Genetet, et le ministre des Sports, de la Jeunesse et de la Vie associative, Gil Avérous. Cela expliquerait, en partie, pourquoi sa généralisation à l’ensemble des collèges, initialement prévue à la rentrée scolaire 2026, n’aura plus lieu.

Il conviendrait, toujours d’après la circulaire, de simplifier ce dispositif. Une des solutions qu’apporte les ministères est celui de le généraliser à tout le territoire mais en le recentrant sur les établissements en REP/REP+, « territoires où le taux de licence [sportive] est le plus faible ».

Mais cette complexité justifie-t-elle ce coup porté ? La question de la soutenabilité du dispositif est évidemment abordée. Dans son rapport pour avis sur les crédits de la mission sport, le député Joël Bruneau[3],  revient sur les raisons d’ordre budgétaires avancées : « il n’apparaît plus aujourd’hui possible de soutenir budgétairement une généralisation du dispositif aux 7 000 collèges (145 millions d’euros par an) tel qu’initialement prévu ».

L’activité physique et sportive, cette mal-aimée de l’école

La dynamique impulsée par les Jeux de Paris l’été dernier pour faire de la France une « nation sportive » en passant par l’école semble déjà s’essouffler.

Après la diminution des crédits du pass’sport (de 85 millions pour le projet de loi de finances de 2024 à 75 millions pour celui de 2025), c’est au tour du dispositif 2HSC d’être grignoté. Non seulement l’un et l’autre ont perdu en portée mais risquent également la fusion.

Pourtant, de la même étude de l’INJEP, quelques retours positifs sont identifiés comme l’amélioration de la condition physique et de confiance en eux des jeunes concernés par ce dispositif.

Et on le sait maintenant, l’activité physique peut jouer un rôle déterminant pour renforcer le vivre-ensemble, favoriser les attitudes inclusives, ou encore permettre un équilibre émotionnel et psychologique.

Ce « recentrage » porte alors en lui une autre conséquence. Parmi les 700 établissements qui mettaient en œuvre ce dispositif, une grande partie ne pourra plus le proposer aux élèves que s’il reste des crédits et « dans la limite des enveloppes régionales notifiées qui ne seront pas réabondées ». Quelle réponse sera donc apportée aux 93 % des volontaires qui déclarent leur volonté de renouveler leur participation au dispositif pour l’année suivante (INJEP, 2024) ?

Ouvrir l’école, cet éternel combat

Ce dispositif était un bon moyen de développer des partenariats entre les établissements scolaires et le tissu local, notamment les clubs sportifs. Mais, comme souvent, les résultats n’ont pas été les mêmes partout : entre les établissements volontaires et les établissements contraints, entre les clubs sportifs impliqués et ceux qui freinaient, faute de moyens.

La dernière circulaire tente alors une nouvelle réponse aux limites du dispositif : celle de finalement donner la possibilité aux enseignants d’EPS de s’en emparer. Cette compétence était jusqu’alors proposée aux acteurs autour du collège, ce que des professeurs vivaient comme une externalisation progressive de leur rôle à jouer dans le système éducatif. En effet, les enseignants d’EPS n’étaient pas favorables à ce dispositif, en tout cas ceux représentés par la FNEP-SNU.

L’EPS peine encore à trouver sa place, même si tous sont d’accord sur le fait qu’elle peut permettre de raccrocher des élèves, d’en inclure d’autres. Aussi sur le fait qu’elle reste la principale discipline où « le corps est au cœur des apprentissages, dans ses dimensions physiologiques, motrices mais aussi cognitives et affectives »[4]. Ce choix politique n’avait donc pas été bien perçu.

Les enseignants d’EPS n’étaient pas favorables à ce dispositif.

Mais restreindre ce dispositif aux seuls établissements REP/REP+ volontaires tout en insistant sur l’intégration des projets dans celui de l’établissement comporte un nouveau risque. Celui de développer des projets par de jeunes professeurs motivés mais qui restent en moyenne 3 ans. Leur départ peut alors entrainer l’essoufflement du dispositif dans l’établissement.

C’est en ce sens que l’ouverture sur les collectivités, sur les clubs sportifs est nécessaire mais implique d’être collectivement pensé pour perdurer.

Ce dispositif devient finalement un nouveau cas d’école : celui d’un consensus autour de l’importance de la pratique sportive pour toutes et tous en découle un recul dont les premiers à en payer le prix sont les jeunes. Lorsque les textes veulent aller plus vite que le terrain, ce sont les acteurs concernés et qui devraient être mobilisés qui ne le sont plus. Ou qui ne parviennent pas à se mobiliser.

Soutenir davantage d’activités physiques au collège et au lycée, impulser des partenariats locaux autour du sport, rapprocher les éducateurs sportifs des enseignants, sont autant de propositions que notre dernier rapport « Le sport, terrain d’éducation » soutient et encourage. Pour autant, il ne faut les précipiter et les construire collectivement ou le risque est grand de les voir évoluer comme de nouveaux dispositifs « ambitieux mais insoutenables ».

Alexanne Bardet


[1] Déploiement du dispositif « deux heures d’activité physique et sportive en plus par semaine au collège » – Rentrée scolaire 2024, https://www.education.gouv.fr/bo/2024/Hebdo42/SPOV2428555J

[2] Expérimentation des « deux heures hebdomadaires supplémentaires d’activité physique et sportive pour les collégiens », janvier 2024, https://injep.fr/publication/experimentation-des-deux-heures-hebdomadaires-supplementaires-dactivite-physique-et-sportive-pour-les-collegie

[3] Rapport du député Joël Bruneau dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-cedu/l17b0472-tix_rapport-avis#_Toc256000010

[4] Véronique Eloi-Roux dans « EPS et sport : spécificité et complémentarité », Revue EPS, 2020.