Avoir confiance, c’est d’abord prendre conscience : de soi, des autres, du monde. Ces différentes dimensions de la conscience sont aussi celles de la confiance. Comment dialoguent-elles chez l’enfant et dans quelle mesure les éducateurs peuvent-ils s’en saisir ?

« Je est un autre » : à la suite de Rimbaud, il est tentant de faire de l’autre une boussole. Éduquer, ex-ducere, c’est conduire en dehors. L’autre est-il le but de toute éducation? Cette idée se manifeste sans doute dans la place centrale que notre République accorde à l’école.

En nous attachant ainsi au collectif, le risque est cependant de mésestimer la personne. Nous savons désormais que l’enfant, dès la naissance et même in utero, fait l’expérience de son corps comme une entité différenciée, située et agissante.

La relation est certes décisive et les jeunes le savent bien. Elle paraît parfois si cruciale, si pressante, qu’elle peut faire peser sur l’enfant un poids terrible. « Quand on est tout petit, en fait on comprend qu’il ne sert à rien de s’élancer du plongeoir de la piscine si personne ne vous regarde. L’enfant qui hurle : “Regarde-moi ! Regarde-moi !” n’est pas en train de quémander de l’attention, il plaide pour sa propre existence »1.

« LAISSER CROÎTRE LA LIBERTÉ DE CHOISIR, D’AGIR ET DE S’ENGAGER. »

Les enfants, les jeunes sont lucides, trop lucides peut-être. Soucieux d’assurer leur avenir, leur laissons-nous suffisamment le temps d’explorer, de s’interroger, de traîner leur naïveté sur la beauté du monde ? Dans notre empressement de les voir faire des choix, prenons garde à l’importance pour l’enfant de dire moi, de sentir une liberté intérieure sans laquelle nos désirs ne sont que des feuilles mortes portées au gré des circonstances.

Pour les éducateurs, la confiance, c’est aussi accepter de s’effacer. Renoncer à être le maître. Laisser croître la liberté de choisir, d’agir et de s’engager. Comment l’éducation peut-elle mieux répondre à cet appel à la liberté ? C’est toute l’ambition de cette étude et de nos propositions pour façonner un cadre propice à la confiance.

Guillaume Prévost, délégué général de VersLeHaut

1. M.R. Montgomery, Saying Goodbye : A Memoir for Two Fathers (traduit de l’anglais par Philippe Rochat in Conscience de soi et des autres au début de la vie, Enfance, n°1/2003, p.39 à 47)