Rose Ameziane
Née à Colombes, dans les Hauts-de-Seine, Rose Ameziane est directrice générale de Digital College et de ses écoles affiliées. Chroniqueuse, elle est aussi l’auteure d’À la force du cœur, l’immigration en héritage, la nation en partage, son autobiographie.
Issue initialement du domaine de la gestion de carrière, Rose Ameziane s’est tournée vers l’éducation pour s’engager auprès de la jeunesse. À la tête de Digital College qui forme les étudiants en alternance au “digital et social media”, elle aspire à les accompagner vers la réussite en mettant en œuvre une méthodologie inclusive et innovante. Son objectif est d’offrir des opportunités éducatives enrichissantes et pratiques, afin de préparer les étudiants à relever les défis de la société actuelle.
Qu’est-ce qui vous a poussée à vous intéresser au domaine de l’éducation ?
Je viens du domaine de la formation, initialement de la gestion de carrière. Je ne cherche pas seulement à aider les personnes à trouver un emploi, mais à trouver un bon emploi. Les milieux de l’insertion et de la formation sont connexes. Je suis engagée vis-à-vis de la jeunesse : bien que j’aie auparavant travaillé avec tous les publics dans l’insertion et la formation, je me suis maintenant spécialisée auprès des jeunes, d’une part sur la partie sociale, d’autre part sur le plan professionnel, notamment dans l’enseignement supérieur.
C’est aussi et surtout ma rencontre avec Ridouan Abagri, le président de Digital College, qui a été le déclencheur de mon engagement pour l’éducation. Ce fut une rencontre humaine et intellectuelle marquante. En effet, Ridouan et moi partageons la même vision et avons traversé des situations similaires : la discrimination liée à notre origine et la méconnaissance de l’Éducation nationale. Cette injustice commune a facilité notre connexion.
Par ailleurs, j’ai toujours été très engagée sur des sujets sociétaux, notamment la question des inégalités sociales. L’éducation est l’un des premiers leviers pour réduire ces inégalités et tenter de relancer l’ascenseur social en panne. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés, Ridouan et moi, autour de l’ADN et de la devise de Digital College : “On ne recrute pas l’élite, on la forme”.
Qu’apporte de particulier Digital College à ses étudiants ?
Notre objectif n’est pas de rechercher les meilleurs pour qu’ils restent les meilleurs mais de trouver des personnes motivées, et de leur fournir tous les moyens pédagogiques nécessaires pour devenir les meilleurs. En effet Digital College dispose des formations initiales qui permettent aux étudiants de suivre un cursus académique complet, souvent sur une période de trois à cinq ans, avec des cours dispensés par des professionnels. En plus des formations initiales, Digital College propose des formations en alternance. Cette formule combine apprentissage en entreprise et cours.
Avec Digital College, les étudiants peuvent rencontrer des personnalités influentes, participer à des projets professionnels et relever des défis lancés par de grandes entreprises ou des personnalités publiques, enrichissant ainsi leur expérience d’apprentissage.
Nous offrons une bonne qualité d’instruction grâce à nos enseignants, qui sont pour la plupart des professionnels en activité. Nous mettons en avant des modules opérationnels, portés par des experts, ce qui donne une vision très concrète des compétences à acquérir.
On constate que vous avez plusieurs responsabilités : vous êtes chroniqueuse pour BFM, à la tête d’un centre de formation pour l’insertion professionnelle, et directrice générale de Digital College et de ses écoles affiliées. N’est-il pas difficile de jongler avec autant de rôles ?
Je suis en effet très occupée (rires). Il n’y a pas de lignes imperméables entre mes différentes activités ; elles s’auto-alimentent. Je me suis engagée dans l’associatif parce que mon objectif est de modifier l’ordre établi et de pouvoir accompagner les habitants des quartiers populaires. Je crois qu’à travers Digital College, nous y parvenons clairement.
Par exemple, nous avons créé un hackathon solidaire avec l’équipe Smile, où nous avons mobilisé 250 étudiants pour réaliser un challenge. Ce projet a permis à 25 associations d’améliorer ou de créer leur communication, de rencontrer des influenceurs, et à l’association gagnante d’avoir l’humoriste et influenceur Just Riadh pour parrain, et d’être accompagnée par Smile Mouvement.
Ce hackathon a offert des expériences enrichissantes et des compétences aux étudiants, tout en contribuant réellement à l’impact des associations en améliorant leur communication. Je crois que l’engagement citoyen est crucial et c’est l’une des valeurs que Digital College soutient.
Au regard de tout ce que vous avez déjà réalisé au cours de votre carrière, de quoi êtes-vous fière aujourd’hui ?
À partir du moment où je change l’ordre établi, j’ai le sentiment d’avoir réussi. Je ressens une immense satisfaction en voyant les étudiants réussir leurs examens, en accompagnant une association, ou même en transmettant un CV qui conduit à un emploi. D’où mon rôle de Directrice Générale de Digital College et de ses écoles affiliées, il est important pour moi de donner le meilleur accompagnement à mes étudiants.
En réalité, je suis plus préoccupée par mes projets à venir que par mes succès passés. Je trouve difficile de savourer mes réussites car je me concentre sur ce qui arrive.
En ce qui concerne l’enseignement supérieur, quelle est votre opinion sur l’état actuel de l’éducation ? Avez-vous une vision globale sur ce sujet ?
Je pense que les étudiants d’hier comme d’aujourd’hui ont toujours du mal à déterminer leur avenir professionnel. L’alternance a apporté beaucoup de choses positives et le nombre d’alternants augmente singulièrement : on en compte presque un million en France aujourd’hui. Elle permet aux étudiants de financer leurs études et d’obtenir un revenu, ce qui est crucial pour lutter contre la précarité étudiante.
En outre, elle offre une éducation très opérationnelle et pratique, ce qui a été un succès aux yeux de nombreux gouvernements. Cette approche a permis à de nombreux étudiants de poursuivre leurs études, contrairement à l’université où le taux d’abandon est d’environ 30%. Dans les écoles proposant l’alternance, ce taux varie généralement entre 15% et 25%, selon les études.
Je crois aussi que les étudiants ont le droit de changer de vie professionnelle plusieurs fois. Il ne faut pas penser que le diplôme obtenu ou le premier travail obtenu aujourd’hui doit nécessairement définir toute leur carrière. On met trop de pression sur les étudiants en leur disant qu’ils ne peuvent pas se tromper. Ma recommandation est simplement d’aller jusqu’au bout de leur cursus actuel.
Quels conseils pourriez-vous donner à un jeune qui vient de débuter sa carrière professionnelle ?
Encore une fois : il a le droit de se tromper et de changer de voie. Il ne doit pas hésiter à saisir les opportunités et à accepter l’aide qui lui est offerte. En rencontrant des gens, il doit être capable de saisir les occasions qui se présentent et toujours se dire : “Oui, je suis capable et je peux réaliser de belles choses.”
Je reviens souvent sur ces mêmes sujets, mais c’est important. Lorsqu’on est enfant d’un milieu modeste, même si l’on a l’envie de conquérir le monde, parfois, on s’enferme dans un petit univers en pensant que ce que l’on a est déjà pas mal. En réalité, il faut se dire : “Je vais casser mon enclos, je vais briser les murs autour de moi.” Je le dis souvent, quand on perce le plafond de verre, il y a encore un plafond de béton au-dessus qu’il faut aussi surmonter. Il faut toujours se dire qu’on peut aller encore plus loin.
Et de manière générale, il est essentiel de se demander : “Qu’est-ce qui me plaît ? Qu’est-ce qui me passionne ?” Trouver du plaisir dans ce que l’on fait doit être une boussole. On ne le dit pas assez, mais on passe une grande partie de notre vie au travail. Autant choisir un métier qu’on aime, ou du moins un métier dans lequel on se sent utile et où l’on a des choses à apporter.
Quelles sont, selon vous, les compétences comportementales clés qui jouent un rôle crucial dans la progression professionnelle ?
Aujourd’hui, la confiance en soi et la prise de parole en public sont devenues des compétences comportementales primordiales pour réussir une carrière. Ceux qui maîtrisent la communication avancent plus rapidement.
Cependant, l’éducation française offre peu d’occasions pour pratiquer l’oralité, à part quelques exercices de récitation et le grand oral du bac, mais ce n’est pas suffisant. Des changements sont nécessaires pour améliorer notre rapport à la prise de parole et à l’expression. Bien que des concours de pitch et des épreuves d’éloquence existent, la préparation reste insuffisante.
Nous devrions nous inspirer des cultures africaines, où parler en public est plus naturel et où l’humour et l’autodérision sont appréciés. Par exemple, dans mon pays d’origine, très politisé, les discussions politiques étaient fréquentes dès le plus jeune âge. Cela m’a beaucoup aidée à progresser. Les débats et les discussions sur des sujets d’actualité faisaient partie de la vie quotidienne, ils aident à développer des compétences en prise de parole chaque jour.
Propos recueillis par Eloïse Abedaba.