Moussa Camara

Entrepreneur engagé depuis plus de 16 ans, Moussa Camara a grandi à Cergy Pontoise, dans le Val-d’Oise, dans le quartier de la Croix-Petit. C’est là qu’a commencé son engagement associatif. En 2007, après l’obtention de son bac professionnel, il crée sa première association, Agir pour Réussir. Il fonde en 2015 Les Déterminés, qui vise à accompagner toutes les personnes animées par l’envie d’entreprendre.

L’éducation se trouve à un carrefour décisif. La nécessité de former des jeunes prêts à affronter les défis du 21e siècle n’a jamais été aussi cruciale. C’est dans ce contexte que Moussa Camara, entrepreneur et fondateur de l’association Les Déterminés, se distingue par son approche de l’éducation et de l’entrepreneuriat. Son engagement à fournir aux jeunes des outils et des opportunités pour réussir est non seulement inspirant, mais également essentiel pour construire une société résiliente et prospère. Lors de notre entretien, Moussa partage sa vision, ses réussites et ses projets futurs, offrant un regard sur l’avenir de l’éducation et l’importance de l’entrepreneuriat comme moteur de changement social.

Les relations humaines sont au cœur de notre approche. Nous croyons que chaque jeune a besoin de sentir qu’il est soutenu et valorisé. 

VersLeHaut : Pourriez-vous nous parler de votre parcours éducatif et de la manière dont il a influencé votre vision actuelle de l’éducation ?

Moussa Camara : Mon parcours éducatif a été marqué par de nombreux défis. J’ai grandi à Cergy, une banlieue parisienne où l’accès aux ressources éducatives n’est pas toujours facile. J’ai connu des moments de doute et de découragement, mais j’ai aussi eu la chance de croiser des enseignants et des mentors qui ont cru en moi. Ces expériences m’ont fait réaliser l’importance d’un soutien personnalisé et m’ont inspiré à créer des solutions pour aider les jeunes à surmonter les obstacles qu’ils rencontrent.

Quand j’étais plus jeune, je voulais devenir maçon pour construire ma propre maison et d’autres maisons. C’était un rêve d’enfant. Finalement, je ne suis jamais devenu maçon, ce rêve s’est évaporé avec l’âge. C’est un métier trop technique. (Rires.)

J’ai fait mes études jusqu’à obtenir un bac professionnel. C’était un bac pro logistique. Ça me plaisait. J’ai eu la chance de faire des stages en intérim avant même de rentrer dans la filière logistique, donc je savais un peu de quoi il s’agissait. C’est un métier de réflexion et d’analyse, et j’aimais bien ça. Je n’ai pas choisi cette filière par vocation, mais parce qu’elle m’intéressait. Ce n’était pas non plus un choix imposé par mes professeurs. J’avais fait deux ans de BEP comptabilité avant, mais je ne me voyais pas derrière un bureau avec des chiffres, même si la logique de calcul m’intéressait.

Après mon bac pro, j’ai voulu me lancer dans le monde du travail. En 2007, j’ai créé ma première association, Agir pour Réussir, et par la suite, Les Déterminés.

VLH : Comment l’idée de fonder Les Déterminés vous est-elle venue ?

M.C. : La réflexion a commencé en 2013. Entre 2011 et 2013, j’ai beaucoup voyagé aux États-Unis et j’ai vu comment ils utilisaient le levier économique pour avoir un impact sur les populations et communautés éloignées des opportunités. J’ai vu des entrepreneurs philanthropes investir leur argent pour créer une émancipation sociale, culturelle et économique. Cette idée m’a touché et j’ai pensé que l’économie pouvait être un levier pour aider plus de monde.

J’avais aussi monté ma première entreprise dans les télécoms et l’informatique à 21 ans. Je me suis dit qu’on pouvait allier l’entrepreneuriat et l’impact social. Je voyais beaucoup de jeunes dans mon quartier avec des idées et des projets, mais sans opportunités. Alors ma mission était de créer des passerelles pour qu’ils puissent réaliser leurs projets, trouver un emploi ou créer leur entreprise. Si leurs entreprises réussissent, elles seront valorisées et pourront créer des emplois ainsi que de la richesse. C’est pourquoi j’ai pensé que l’entrepreneuriat pouvait être un levier dans mon approche, c’est ainsi que sont nés Les Déterminés.

Et aujourd’hui, Les Déterminés est une structure associative qui propose un programme d’accompagnement pour ceux qui veulent développer une entreprise. À ce jour, ce sont plus de 1 500 personnes qu’on a accompagnées. On arrive bientôt à 1 600 personnes. Il y a un peu plus de 700 entreprises qui sont lancées, qui sont sorties de nos programmes.

VLH : On peut dire que le pari est réussi. Et la relation des jeunes entre eux, c’est important pour vous ?

M.C. : Oui. Ce qui est beau c’est de voir les jeunes créer des liens entre eux. Ils ne se connaissent pas au début, mais à la fin, ils s’entraident dans leurs projets, certains s’associent ou collaborent. Ce lien d’entraide se crée même entre les différentes promotions. C’est important. Le projet est avant tout profondément humain, bien au-delà d’un simple programme entrepreneurial classique. Ce sont des individus avec leurs faiblesses, leurs doutes, leurs forces, et leurs talents. En somme, c’est une histoire humaine enrichissante.

Je souligne d’ailleurs souvent que ce sont des personnes issues de parcours et d’expériences de vie variés. Ils viennent de milieux différents, de régions différentes. Ils se nourrissent les uns des autres, chacun apporte sa contribution unique. Dans les programmes des Déterminés, j’ai souvent l’impression de voir une mini-France, une représentation véritable de la diversité française. Aujourd’hui, nous accueillons des personnes des villages, des quartiers populaires, parfois même de l’étranger avec des origines diverses. C’est extraordinaire.

VLH : Il y a des parcours de jeunes qui vous ont marqué ?

M.C. : Il y a beaucoup d’exemples. Je me souviens d’une jeune fille lors de la deuxième promotion à Paris. Elle était impressionnée par le lieu de sélection et voulait faire demi-tour – on fait toujours en sorte de choisir de beaux lieux pour que les jeunes ne restent pas dans leur quartier-. Je l’ai encouragée à passer l’entretien. Elle avait un projet de cosmétique qui n’a pas fonctionné, mais elle a gagné confiance en elle, a repris ses études et a obtenu un Bac +5. Aujourd’hui, elle a un job et sa vie a été transformée grâce à ce programme.

VLH : Est-ce que le système éducatif actuel vous semble adapté pour développer l’esprit d’entreprise chez les jeunes ?

M.C. : Le lien entre l’école et l’entreprise est compliqué, mais il est primordial. Il faut préparer les jeunes dès le plus jeune âge, notamment en les éduquant à la prise de parole. Savoir s’exprimer et passer des messages ouvre des portes. Il est important de revoir le système éducatif pour préparer les jeunes au monde du travail et de l’entreprise. Nous devons faire découvrir le monde de l’entreprise aux enfants pour leur donner des idées sur la réalité de ce qu’ils peuvent faire.

Je conseille aux institutions de s’inspirer des pratiques extérieures en observant ce qui fonctionne bien ailleurs, et de réfléchir à comment adapter ces modèles à nos écoles. Il est également essentiel de collaborer étroitement avec les associations locales, qui sont en contact direct avec les jeunes et connaissent bien leurs problématiques. En établissant de tels partenariats, on favorise l’ouverture d’esprit. Il est crucial que ces initiatives dépassent le cadre des établissements individuels pour devenir une politique nationale, mise en œuvre à grande échelle.

VLH : Il y a des choses qui ne vont pas selon vous aujourd’hui dans le système éducatif ?

M.C. : Les enseignants et les directeurs d’école font de leur mieux avec des ressources limitées et dans des conditions parfois difficiles. Il est donc crucial de commencer par améliorer ces conditions. Ensuite, il est essentiel de donner aux directeurs d’école la liberté de prendre des initiatives, de collaborer avec des associations, de faire découvrir diverses choses aux élèves, et surtout d’impliquer les parents. C’est fondamental.

Il y a un vrai travail de fond à faire : revaloriser les enseignants, mettre les écoles à niveau, dans de bonnes conditions. Et donner de l’autorité et les bonnes responsabilités aux directeurs d’écoles. C’est important.

Moi, je viens de l’école publique, et il y a des manquements, c’est compliqué. Quand j’étais en CP, j’ai passé une année sans professeur. Toute ma classe a dû redoubler en raison de cette absence d’enseignant. Donc on faisait quoi ? Des coloriages, des collages, on s’occupait comme on pouvait, on allait à l’école mais sans véritable enseignement. C’est une réalité que j’ai vécue personnellement.


Propos recueillis par Marion Denis.