Les “Chiffres-clés de la jeunesse 2024” publiés par l’INJEP en juillet 2024 mettent en lumière les défis auxquels font face les 12 millions de jeunes âgés de 15 à 29 ans en France. Représentant 17,6 % de la population, contre environ 24 % en 1980 selon l’INSEE, cette tranche d’âge, bien que dynamique, se heurte à des obstacles importants dans sa quête d’autonomie et de stabilité. 

La jeunesse se heurte à une transition complexe entre l’école et l’emploi. En France, 80 % des jeunes de 18 à 24 ans sont encore en formation, que ce soit dans le secondaire ou l’enseignement supérieur. Cependant, la transition vers le marché du travail reste un défi de taille. Malgré les efforts déployés pour intégrer les jeunes dans l’emploi, le taux de chômage dans cette tranche d’âge demeurent élevés. Cela reflète une nécessité de mieux aligner les formations avec les besoins du marché du travail. Par exemple, en 2023, 16 % des jeunes de 15 à 24 ans étaient ni en emploi, ni en formation, un chiffre préoccupant qui souligne l’urgence d’améliorer l’accès aux opportunités professionnelles. 

16 % des jeunes de 15 à 24 ans étaient ni en emploi, ni en formation

Une autonomie retardée 

Sur le plan des conditions de vie, beaucoup de jeunes peinent à accéder à l’autonomie économique. Le coût du logement et la précarité de l’emploi retardent leur indépendance. En 2021, 30 % des jeunes âgés de 18 à 30 ans déclaraient vivre encore chez leurs parents. Cette dépendance financière prolongée complique leur transition vers l’âge adulte, soulignant le besoin d’un soutien renforcé, que ce soit à travers des aides au logement ou des dispositifs facilitant l’accès à des emplois stables. 

Un choix de proximité et d’impact direct 

Alors que 30 % des jeunes de 16 à 30 ans s’investissent dans des activités bénévoles, un pourcentage significatif s’abstient de voter, avec 23 % des 18-24 ans n’ayant pas voté lors des dernières élections présidentielles de 2022. Cette dichotomie révèle une transformation profonde dans la manière dont les jeunes perçoivent leur rôle de citoyens.  

Le choix des jeunes de s’engager principalement dans le bénévolat et l’associatif plutôt que dans le cadre institutionnel traditionnel de la politique ou des élections n’est pas anodin. Dans un monde où les structures politiques sont souvent perçues comme rigides, éloignées et parfois inefficaces, les associations offrent un terrain d’action plus direct, tangible, et immédiatement gratifiant. Participer à une association permet aux jeunes de voir les résultats concrets de leurs actions, que ce soit en organisant des événements sportifs, en soutenant des causes culturelles, ou en apportant une aide solidaire. Nous y croyons fermement chez VersLeHaut. Cette proximité avec l’impact de leur engagement répond à une quête de sens et d’utilité immédiate, caractéristiques d’une génération en quête de réponses rapides et visibles aux enjeux sociétaux. 

30 % des jeunes de 16 à 30 ans s’investissent dans des activités bénévoles

Crise de confiance envers les institutions politiques 

D’autre part, la faible participation des jeunes aux élections traduit une défiance croissante envers les institutions politiques. Les jeunes ont souvent l’impression que leur voix n’est pas entendue ou que les mécanismes démocratiques ne répondent pas à leurs préoccupations urgentes, telles que le climat, l’emploi, ou les inégalités sociales, comme nous avons pu le constater dans l’édition 2023 du Baromètre Jeunesse&Confiance “Moi, les autres, la planète”. Le taux d’abstention élevé chez les 18-24 ans peut être interprété comme une forme de protestation silencieuse, une manière de dire que les systèmes en place ne répondent pas à leurs attentes. 

Cette tendance n’est pas unique à la France. Partout dans le monde, les jeunes semblent se détourner des formes classiques de participation politique au profit de nouvelles modalités d’engagement, qu’il s’agisse de militance en ligne, de participation à des mouvements sociaux, ou de bénévolat dans des structures locales.  

Un exemple concret de cette tendance est le mouvement “Fridays for Future” initié par Greta Thunberg. Ce mouvement, qui a rapidement pris une ampleur mondiale, incarne parfaitement la manière dont les jeunes se détournent des formes classiques de participation politique. Le mouvement se concentre sur des actions directes et pacifiques pour attirer l’attention sur l’urgence climatique. Les jeunes manifestent, organisent des marches, des sit-in, et utilisent largement les réseaux sociaux pour faire entendre leur voix. 

Un avenir à construire et un nouvel équilibre  

Ce basculement vers l’associatif au détriment de la participation politique formelle invite à repenser la manière dont nous concevons la citoyenneté. Les jeunes ne sont pas désintéressés par la politique au sens large, mais ils privilégient des formes d’engagement qui leur permettent de s’approprier les enjeux et de voir leur influence de manière directe. Ils redéfinissent ainsi la citoyenneté non pas comme un devoir périodique (voter lors des élections) mais comme un engagement quotidien, dans le concret et l’immédiat. 

Le rapport souligne une jeunesse française pleine de potentiel, mais confrontée à des défis structurels qui freinent son accès à l’autonomie et à une participation citoyenne pleine et entière. Pour répondre aux attentes de cette génération, il est crucial d’adapter les politiques publiques, en renforçant notamment les dispositifs d’insertion professionnelle, d’accès à l’autonomie, et en rétablissant le lien entre les jeunes et les institutions démocratiques. 

Réinventer la démocratie pour la jeunesse 

Si les jeunes continuent de s’éloigner des urnes et des partis politiques, comment maintenir une représentation démocratique qui reflète réellement leurs intérêts ? Les institutions politiques doivent se réinventer pour reconquérir cette jeunesse, en rendant le processus politique plus inclusif, transparent, et adapté aux modes de vie et aux valeurs des nouvelles générations. 

Par exemple, encourager les formes de participation citoyenne directe, comme les référendums citoyens, la démocratie scolaire, pourraient être des voies pour reconnecter les jeunes avec la politique. De même, les partis politiques pourraient gagner à intégrer davantage de jeunes dans leurs structures décisionnelles, en reconnaissant leur expertise sur des sujets comme l’écologie, le numérique, ou la diversité. 

L’engagement des jeunes en France, bien qu’éloigné des formes traditionnelles, est loin d’être inexistant. Il se manifeste sous des formes nouvelles, plus flexibles et adaptées à une époque de changement rapide. Il appartient désormais aux institutions de capter cette énergie et de la canaliser vers une participation plus formelle, pour que la voix des jeunes soit pleinement représentée dans la démocratie de demain. 

Source : https://injep.fr/tableau_bord/les-chiffres-cles-de-la-jeunesse-2024-demographie/ 

Marion Denis, Cheffe de projet communication et jeunesse