Dégager du temps pour permettre aux parents de s’approprier leur nouveau rôle peut apparaître comme une condition nécessaire mais non suffisante à l’épanouissement du jeune enfant dans le cercle familial. Nombre d’entre eux expriment également le sentiment d’être souvent trop seuls face à la parentalité et un besoin croissant d’être mieux accompagnés. Les injonctions à leur égard peuvent être nombreuses, contradictoires, ou adressées au mauvais endroit par la mauvaise personne.

L’ambivalence des parents face à l’accompagnement

Les parents reconnaissent des difficultés

Régulièrement, les parents d’enfants de tous âges sont interrogés sur leurs besoins d’accompagnement dans l’éducation de leurs enfants. Une large enquête menée par la Caisse nationale d’assurance famille (CNAF) en 2016 concluait que 43% des parents éprouvent des difficultés dans l’exercice de leur rôle. Cette proportion était relativement moindre pour les parents de très jeunes enfants : 34% chez les parents d’enfants de moins de deux ans[1].

Certaines difficultés ressortent pour les parents de jeunes enfants. Par exemple, en 2018, 93% des parents déclaraient rencontrer des difficultés dans l’alimentation de leur enfant de moins de 3 ans[2].

Un parent sur deux souhaite ou aurait souhaité disposer d’un accompagnement concernant l’éveil et le développement du jeune enfant

Au fil des enquêtes, les sujets qui suscitent des difficultés pour les familles ressortent : écrans, autorité, sommeil, émotions… Ceux qui concernent le jeune enfant ressortent particulièrement. Ainsi, en 2022, 49% des parents souhaitaient ou auraient souhaité recevoir de l’aide dans l’accompagnement de leur rôle de parent sur l’éveil et le développement du jeune enfant[1].

La diversité des besoins relevant de domaines variés – médical, éducatif, psychologique, social – rend l’identification des interlocuteurs pertinents d’autant plus difficile.

Une tradition encore peu implantée en France

Proposer des « pratiques » et « messages-clés », formulés par des acteurs spécialisés (hors du champ de la santé) est une approche très récente en France. Les familles ne se tournent pas forcément prioritairement vers des structures spécialisées. Comme le note Michel Vandenbroeck, docteur en sciences de l’éducation, en décryptant des études menées en France comme en Belgique, « en cas de difficultés, de questions ou de doutes, on s’adresse d’abord à son propre réseau familial ou social, ensuite à Internet, et ce n’est qu’en dernier ressort que l’expert entre en scène[1]. »

Dans les pays Anglo-saxons, les politiques de prévention sont beaucoup plus au fait de cette approche de la parentalité accompagnée, et plus « décomplexés », considérant qu’il n’est pas intrusif mais, au contraire, du devoir des spécialistes de partager des pratiques qui produisent des résultats probants sur la trajectoire des familles, pour lutter activement, par la connaissance, contre les inégalités.

L’effet avéré d’interventions auprès des parents pour les aider à construire et mener la relation à l’enfant a pu être mis en lumière par certaines recherches récentes. A titre d’exemple, aux Etats-Unis, des familles ayant été identifiées comme maltraitantes envers leurs enfants par le passé ont pu bénéficier d’une année de conseil thérapeutique portant sur la relation avec leur enfant. Le résultat a été spectaculaire. Chez les familles maltraitantes n’ayant pas bénéficié de cet accompagnement seulement 2 % des enfants ont été considérés comme bénéficiant d’un attachement sécure. Chez celles ayant été accompagnées, la proportion est montée à 61%[2].

Un soutien à la parentalité en quête de notoriété et de crédibilité

Une grande diversité d’interlocuteurs : source de confusion pour les familles ?

L’offre d’accompagnement à destination des familles existe mais est parfois mal identifiée. L’enquête menée en 2016 par la CNAF concluait sur le manque de lisibilité pour les familles[1]. Cette confusion ressort également d’un récent sondage où 59 % des parents se disent mal informés sur les structures et les professionnels qui peuvent les aider et les accompagner en matière d’éducation[2].

Les centres de la Protection maternelle et infantile (PMI) proposent souvent des accompagnements. C’est le cas également des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents (REAAP), des Lieux d’accueils enfant-parent (LAEP) et de quantités d’autres structures : Maisons des 1000 premiers jours, Maison des familles, etc.

59 % des parents se disent mal informés sur les structures et les professionnels qui peuvent les accompagner

D’autre structures, dont ce n’est pas la fonction première, proposent également des ateliers à destination des parents : bibliothèques, ludothèques, centres d’animation de quartier.

Cette diversité prête parfois à confusion et se révèle exigeante en termes de recherche d’informations pour les parents. Aller directement à la rencontre des familles, sur les lieux qu’elles fréquentent déjà – crèches, écoles, mairie – est une exigence qu’elles formulaient clairement dans l’enquête de la CNAF de 2016[1].

Un secteur encore fragile

Selon l’Union nationale des associations familiales (UNAF), les dispositifs de soutien à la parentalité ne touchent que 10 à 15% des familles aujourd’hui[1]. Le financement de ces initiatives est à ce jour très limité au regard des sommes consacrées à l’accueil des jeunes enfants.

Les dispositifs de soutien à la parentalité ne touchent aujourd’hui que 10 à 15% des familles

D’autres facteurs contribuent également à fragiliser ce secteur. L’absence de labellisation ne permet pas toujours de distinguer les initiatives fiables de celles plus fantaisistes – même si certaines initiatives, comme la constitution des REAAP a pu viser à pallier ce problème d’identification.

Ces initiatives peuvent également être perçues parfois comme trop normatives, trop peu ancrées dans la réalité quotidienne des familles. Ces ambiguïtés ont marqué l’histoire récente des dispositifs de soutien à la parentalité et continuent de susciter des débats en France[1]. D’où la préoccupation croissante chez certains acteurs de ce secteur d’investir la dimension d’écoute, de non-jugement et d’articuler leur démarche autour du soutien entre pairs.

La légitimité perçue de ces dispositifs à disposition des jeunes enfants semble donc devoir reposer sur des qualités identifiables qui permettent de lever ces ambiguïtés. Une étude américaine a déterminé sur la base d’une revue des principaux programmes de soutien à la parentalité les éléments-clés déterminants pour leur efficacité[2].


[1] Voir par exemple, Claude Martin (dir.),

[2] Breiner, Heather, Morgan Ford, and Vivian L. Gadsden, eds. “Parenting matters: Supporting parents of children ages 0-8.” (2016).


[1] Union national des association familiales, 50 propositions pour donner confiance aux familles, 2022.


[1] Accompagner les parents dans leur travail éducatif et de soins, op.cit.


[1] Accompagner les parents dans leur travail éducatif et de soins, op.cit.

[2] « Baromètre des violences éducatives ordinaires », étude IFOP pour la Fondation pour l’enfance, Octobre 2022.


[1] Michel Vandenbroeck, Être parent dans notre monde néolibéral, Editions érès, 2024.

[2] Cicchetti, Dante, Fred A. Rogosch, and Sheree L. Toth. “Fostering secure attachment in infants in maltreating families through preventive interventions.” Development and psychopathology 18.3 (2006): 623-649, cité par Tough, Paul. Helping children succeed: What works and why. Random House, 2016.


[1] Baromètre d’opinion BVA pour la Direction de la recherche, des évaluations, des études et des statistiques (DRESS) de 2022.


[1] Claude Martin (dir.), Accompagner les parents dans leur travail éducatif et de soins, CNAF, La documentation française, 2017.

[2] Sondage OpinionWay Aliments infantiles et normes Afnor (Association française de normalisation), 2018.