Si l’obligation d’instruction des enfants à partir de trois ans mène à une scolarisation pour la quasi-totalité d’entre eux, les configurations sont beaucoup plus diverses avant l’âge de trois ans. D’une façon générale, les parents vivent cette période comme celle de la recherche d’un équilibre entre leur vie professionnelle, personnelle et familiale.  Cet équilibre concerne également les ajustements qu’ils opèrent entre une vision idéale du parcours de leur enfant et les possibilités d’accueil qui leur sont offertes. La façon dont les parents se familiarisent avec cette nouvelle vie et ces nouvelles responsabilités contribue à forger leur confiance dans leur capacité à accompagner leur enfant dans la suite de son parcours.

Envisager son rôle de parent dans la toute petite enfance

Le choix du mode d’accueil

La diversité des parcours des enfants durant les trois premières années de leur vie tient en partie à des choix parentaux. Pour nombre de parents, le mode d’accueil de leur enfant est décidé en fonction de préférences qui ont également à voir avec la tradition familiale ou culturelle. Ainsi, certains parents estiment préférables de s’occuper eux-mêmes de leur enfant et ne souhaitent pas recourir à un accueil collectif.

Pour autant, la disponibilité de modes d’accueil adaptés devient importante pour permettre aux parents qui le souhaitent de pouvoir reprendre leur activité professionnelle dans les meilleures conditions possibles. Derrière cette adéquation entre l’offre d’accueil et les souhaits des familles, on retrouve de forts enjeux relatifs à l’égalité homme-femme (les pères réduisent leur activité vingt fois moins souvent que les mères à la naissance [1]) et de lutte contre la précarité (1 famille sur 4 est monoparentale[2]).

56% des enfants sont gardés principalement par leurs parents. Cette proportion tomberait à 35% si on s’en tient au souhait des familles !

Dans ce domaine, des contraintes fortes pèsent sur les parents. C’est notamment la difficulté à trouver une place en établissement d’accueil du jeune enfant (EAJE) qui vient affecter leur plan idéal. D’après l’enquête « Mode de garde et d’accueil des jeunes enfants » menée par la Direction de la recherche, de l’évaluation, des études et des statistiques (DREES) en 2021, un peu plus d’un tiers des enfants seraient gardés principalement par leurs parents si les choix de ces derniers avaient été respectés contre 56% dans les faits. Le déficit de places en EAJE s’établit donc comme un facteur venant contrecarrer les souhaits des familles.

Conciliation de la vie professionnelle et du rôle parental

Le bébé a besoin de créer un lien d’attachement avec ses parents or, le premier ingrédient pour la mise en place de ce lien est le temps. Le Rapport des 1000 premiers jours[3] l’exprime clairement « c’est en disposant de temps [que les parents] pourront soutenir l’établissement d’un lien d’attachement sécure chez leur enfant et accompagner au mieux chaque étape de son développement »[4].

Au quotidien, avoir du temps libre c’est pouvoir concilier sa vie personnelle et professionnelle, c’est avoir des horaires de travail flexibles, c’est avoir des congés, c’est pouvoir organiser son temps de travail et c’est, notamment, ne pas reprendre le travail trop tôt… En effet, les relations précoces parents-enfants et la présence des parents pendant les premiers mois de la vie ont une incidence positive, durable et déterminante sur la santé et le développement de l’enfant[5]. L’entreprise et le milieu professionnel ont, en conséquence, un rôle fondamental sur les 1000 premiers jours de l’enfant.

76% des parents disent rencontrer des difficultés à remplir leurs responsabilités familiales parce qu’ils passent trop de temps au travail

Pourtant c’est 76% des parents qui disent avoir rencontrés des difficultés à remplir leurs responsabilités familiales au cours de l’année parce qu’ils passent trop de temps au travail[6]. Le manque de temps conduit souvent les parents à devoir régler des situations conflictuelles dans l’urgence ou à sacrifier des moments d’échange et d’attention cruciaux pour cultiver une relation de confiance avec leurs enfants. 32 % des parents estiment par exemple qu’une aide pour gérer les corvées du quotidien et alléger leur emploi du temps faciliterait leur capacité à mettre en œuvre une éducation sans violences éducatives ordinaires[7].

Des outils pour aider les parents à trouver l’équilibre

Des congés pour favoriser le lien parent-enfant

Les congés de naissance (maternité, paternité et parental) permettent d’avoir du temps pour accueillir son bébé sans pénaliser le parcours professionnel des parents. Le congé maternité s’étend de 16 à 26 semaines selon le nombre d’enfants et hors cas de naissances multiples. Il comporte une période pré et post natale. Il est relativement court par rapport aux besoins des enfants et des mères et à l’impact à long terme sur l’évolution de la société, notamment si on effectue une comparaison internationale. Pourtant « l’accueil hors du domicile des parents, s’il intervient à un trop jeune âge pourrait avoir de conséquences défavorables pour l’enfant : réduction de l’attachement parent-enfant, réduction de

l’interaction enfant-adulte si le nombre d’enfants par adulte est plus élevé qu’au sein de la famille, interactions stressantes avec d’autres enfants… »[8].

Le congé paternité, mis en place très récemment (2002), est nettement plus court que celui de maternité. Cependant, son allongement récent[9] en 2021 montre une volonté du législateur de donner plus de place à ce co-parent, au rôle fondamental pour les 1000 premiers jours.

Plusieurs enjeux importants pour la construction de la relation parent-enfant sont associés à la question du congé paternité. Une large part de la responsabilité vis-à-vis du jeune enfant repose encore sur la mère. La disponibilité du père peut être une source importante de soutien. Sur le plan de l’organisation domestique mais également sur le plan psychologique. La dépression post-partum, par exemple, touche 16,7 % des femmes deux mois après leur accouchement[10].

72% des français favorables à un allongement du congé maternité à 26 semaines dès le premier enfant

Le lien entre le père et l’enfant est également en jeu dans ces premiers temps. Par exemple, seuls les pères ayant passé plusieurs semaines avec leur bébé entre la naissance et l’âge de 4 mois sont capables de distinguer les pleurs de leur propre enfant parmi les pleurs d’autres bébés[11].

Enfin, le congé parental non rémunéré peut durer de 1 mois à 1 an renouvelable de 2 a 5 fois selon le nombre d’enfants. Ce congé, bien que non rémunéré, s’accompagne potentiellement d’une aide – la prestation partagée d’éducation – pour le salarié.

Dans un récent sondage mené par OpinionWay pour le think-tank Familles durables, 72% des français se disaient favorables à un allongement du congé maternité à 26 semaines dès le premier enfant. Dans cette même enquête, si la majorité des répondants estimaient suffisant la durée du congé paternité, ce n’est plus le cas chez les 25-34 ans qui préconisent son allongement et invitent à le rendre obligatoire.

Les entreprises invitées à faciliter la vie des jeunes parents

Les employeurs peuvent jouer un rôle actif dans l’équilibre de vie des jeunes parents. Pourtant, encore récemment, 77% des mères salariées estimaient que la parentalité́ est insuffisamment prise en compte dans l’organisation du travail[12]. Le temps dont ces derniers ont besoin pour construire et consolider une relation de confiance avec leur enfant peut être dégagé avec l’aide de leur employeur. Cette aide peut prendre la forme de services (garde d’enfants, conciergerie par exemple), ce que 25 % des parents qui travaillent perçoivent comme une priorité. Soit en offrant plus de flexibilité horaire au quotidien, priorité pour 47 % des parents[13].

Les entreprises ont donc un grand rôle à jouer en assumant leur responsabilité vis-à-vis des parents. En favorisant la conciliation de la vie professionnelle et familiale de leurs salariés et prestataires, elles peuvent desserrer l’étreinte qui pèse sur l’exercice de leur rôle de parent.

Plusieurs initiatives ont été développées ces dernières années dans ce sens. La « Charte de la parentalité en entreprise », initiée par l’Observatoire de la Qualité de Vie au Travail ou le label « Family Friendly Company », à l’initiative de l’association Ensemble pour la Petite Enfance, visent à inciter les entreprises à rendre visible un soutien effectif à leurs salariés parents ou futurs parents.


[12] Tiphaine Mayolle, La parentalité en entreprise expliquée à mon boss, Kawa, 2020.

[13] « Comment les familles réussissent-elles à concilier leur vie familiale avec leur vie professionnelle ? », enquête Opinonway pour l’Observatoire des familles/Unaf, 2023.


[11] GustafssonE., Lecrero, F., Rémy, D.et Mathevebon, N. Fathers are just as good as mothers at recognising the cries of their baby, Nature communicators, 2013. 4(1): p. 1-6.


[8] Rapport de la Commission des 1000 premiers jours, Les 1000 premiers jours : là où tout commence (2021), Ministère des solidarités et de la santé..

[9] LOI n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, entrée en vigueur le 1er juillet 2021

[10] Enquête périnatalité menée en 2021 par l’INSERM et Santé publique France.


[6] « Enquête OpinionWay pour le baromètre des Familles Unaf-Udaf-Uraf », 2023.

[7] « Baromètre des violences éducatives ordinaires », étude IFOP pour la Fondation pour l’enfance, Octobre 2022.


[3] Rapport de la Commission des 1000 premiers jours, Les 1000 premiers jours : là où tout commence (2021), Ministère des solidarités et de la santé.

[4] Idem

[5] Idem


[1] Pailhé, Ariane, et Anne Solaz. « Vie professionnelle et naissance : la charge de la conciliation repose essentiellement sur les femmes », Population & Sociétés, vol. 426, no. 8, 2006, pp. 1-4.

[2] Alvaga E., Bloch K. et al (2021), Les familles en 2020 : 25% de familles monoparentales, 21% de familles nombreuses, Accessible sur : https://www.insee.fr/fr/statistiques/5422681#:~:text=Une%20sur%20quatre%20est%20une,pauvres%20que%20les%20autres%20familles.