Les premières années de vie des enfants sont également pour les parents celles de la découverte de ce rôle nouveau et de la construction de la relation. Dans ce grand saut vers l’inconnu, ils sont très inégalement armés et soumis à des injonctions diverses et souvent contradictoires. Face à leurs interrogations, ils ne savent pas toujours vers qui se tourner. A ce titre, leur proposer des solutions de proximité, compatibles avec leur emploi du temps constitue un enjeu crucial de l’accompagnement à la parentalité.
Pour les parents dont l’enfant est accueilli en crèche, la possibilité de trouver sur place des ressources peut s’avérer précieuse. Ainsi, en est-il des ateliers proposés par l’association « Pas à Pas l’enfant ». Organisés au sein de l’établissement, tôt le matin, en association avec les professionnelles, ils ont vocation à sensibiliser les familles sur les enjeux du développement de leur enfant et à leur fournir des outils simples à mettre en œuvre pour construire et consolider le lien affectif. Ainsi, l’association poursuit un de ses objectifs premiers : lutter contre la surexposition aux écrans des jeunes enfants en encourageant des activités alternatives attrayantes et accessibles.
Lire, écouter, raconter : des histoires dans tous leurs états
Ce matin-là, dans une crèche du XIXème arrondissement de Paris, c’est Servane, chargée de la conception des programmes dans l’association, qui conduit l’atelier en compagnie de Lisa, professionnelle au sein de l’établissement. Six mamans et leurs enfants y participent. Cet atelier est le troisième et dernier de l’année et s’inscrit dans le programme pionnier « Promenons-nous dans nos histoires » lancé en 2017 et qui, comme son nom l’indique, s’appuie largement sur les bienfaits des histoires aussi bien pour l’enfant que le parent.
Lisa débute par la lecture du livre Le machin que Servane illustre par la manipulation de petites figurines représentant les héros de l’histoire – des animaux – et ce fameux « machin », morceau de tissu que s’approprient chacun des protagonistes. Les jeunes enfants écoutent, la plupart très attentifs.
Puis c’est aux parents de prendre le relais. Chacune des mères est invitée à choisir deux petits objets « du quotidien » et s’en servir de support pour inventer une histoire à raconter à son enfant. L’objectif ? Démontrer que raconter une histoire est accessible à tous et peut se faire simplement, même sur un temps très court, à n’importe quel moment de la journée – pendant le change de l’enfant, dans les transports, dans la salle d’attente du médecin.
La plupart des femmes abordent aisément la narration. Seule une des mamans hésite, peu confiante en ses capacités de conteuse pour finalement se lancer après quelques minutes. A l’issue de l’exercice, les mères sont invitées à aller déposer leurs enfants dans les sections avant d’entamer la dernière partie de l’atelier qui sera consacré au retour d’expérience sur l’activité proposée et à un temps d’échange sur les possibilités offertes par les histoires dans le quotidien des parents et des enfants.
Pour les parents, un outil au service de la relation
L’enseignement principal mis en avant par Servane est que ce temps consacré à l’histoire est un moment consacré pleinement à la relation. Moment qui profite aussi bien à l’enfant qu’au parent. L’enfant y trouve trois choses qu’il ne peut pas expérimenter seul : de l’attention, des paroles et des limites. L’enfant entend des mots de la part du parent qui va également souvent adapter son récit aux réactions de l’enfant, ce qui marque l’attention qu’il lui porte. Le temps circonscrit du récit permet aussi à l’enfant de comprendre la notion de limites : « l’intérêt de l’histoire, c’est qu’elle se termine » précise Servane.
Parce que le parent qui raconte une histoire pourra y introduire des éléments de ce que fait et vit l’enfant – quand ce dernier va manipuler les objets qui servent de support à l’histoire, ou réagir verbalement à ce que dit le parent – ce dernier pourra plus facilement faire le lien entre ses sensations, son vécu et les mots. Il pourra aussi expérimenter l’attention et l’amour qu’il reçoit de la part de son parent. « Autant de choses qui ne se passent pas quand l’enfant regarde un dessin-animé » commente avec justesse Servane.
Car c’est également un des objectifs de l’atelier : faire prendre conscience au parent que choisir de recourir aux écrans plutôt qu’à une activité comme raconter des histoires prive l’enfant de bienfaits essentiels qui caractérisent ces moments d’interaction. Bienfaits qui émergent même sur un temps très court.
« Vous êtes toutes maintenant des conteuses », conclut Servane à l’issue de l’atelier. Les mamans prennent le temps de remplir un petit questionnaire pour expliquer ce qu’elles ont pensé de l’atelier, ce qu’elles en ont retiré. Ce jour-là, la mère qui avait eu le plus de difficultés à se lancer dans l’exercice sera celle qui prendra le plus de soin à rédiger son commentaire. Sans doute pour marquer le cap qu’elle a réussi à franchir.
Faire avec les professionnelles
Au-delà de ce travail avec les parents, le programme prévoit aussi des séances menées avec les professionnelles. Le but étant de leur donner confiance dans leur capacité à lire et raconter des histoires aux enfants et à conseiller les parents. Voire à mener elles-mêmes des ateliers sur le même modèle les années suivantes, sans l’intervention de l’association.
L’implication de l’équipe de l’établissement permet également de prolonger les temps d’atelier sur les petites interactions du quotidien avec les parents. De revenir sur l’expérience, de prendre des nouvelles de la mise en application des conseils donnés à cette occasion.
Dans cette crèche, le programme est déployé pour la première fois cette année mais l’association propose aux établissements également une deuxième année : un projet autour des comptines qui aboutit à la réalisation d’un livre proposé aux parents. Puis une troisième année destinée à pérenniser les ateliers dans la structure en formant les professionnelles à les assurer seules.
Prendre confiance
Derrière ces ateliers, on entrevoit à quel point les premières années de la vie de l’enfant cristallisent des enjeux de confiance pour les adultes chargés de veiller sur lui. Pour les parents en premier lieu, qui doivent petit à petit acquérir les connaissances et les outils qui leur donneront confiance dans leur capacité à accompagner leur enfant dans son développement. Pour les professionnelles également, qui sont à la recherche de la confiance des familles.
En proposant à ces adultes des messages simples, faciles à assimiler et transmettre, et des outils accessibles, l’association « Pas à pas l’enfant » contribue donc à favoriser l’émergence de cette confiance – en soi et dans les autres – qui alimentera à son tour celle de l’enfant.
Stephan Lipiansky
Un grand merci à l’association « Pas à pas l’enfant » pour nous avoir permis de venir assister à cet atelier.
« Pas à pas l’enfant » propose également un programme articulé autour du jeu intitulé « A toi de jouer »
Plus d’informations : https://www.asso-ppe.org/