Les enseignants du second degré évaluent à 5,9 sur 10 en moyenne leur bien-être au travail. Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Plutôt vide … Ce chiffre est inférieur de presque 1,5 point à la moyenne de celui de l’ensemble des Français pour un niveau d’étude équivalent. La DEPP extrait plusieurs indices à l’origine ce taux de satisfaction, dont le soutien social (soutien des pairs et de la hiérarchie) qui connaît une remarquable dégringolade au long de la carrière de l’enseignant.
La pente descendante du soutien social dans la carrière d’un professeur
En effet le degré de satisfaction associé au soutien social, soit le lien entre professionnels de l’éducation se situe largement au-dessus de la moyenne pour les enseignants en poste depuis 1 an et ce chiffre se divise brutalement par deux pour les enseignants en poste depuis 2 à 5 ans puis poursuit drastiquement sa descente pour ceux qui enseignent depuis plus de 15 ans, soit 61% des répondants.
Ces chiffres questionnent : l’autonomie et la liberté pédagogique exemptent-elles les enseignants du 2nd degré de tout soutien hiérarchique ou entre pairs ? Ou ce dernier viendrait tant manquer qu’ils ne l’attendent plus… ?
A nouveau, la question de la confiance des éducateurs est clé
Il y quelques semaines, VersLeHaut sur la base de l’étude Talis (2018) et du baromètre I-BEST (2023) discernait quatre sentiments à l’origine de la confiance des enseignants (comme des élèves) à l’école : sécurité, appartenance, compétence et soutien. Si les deux premières apparaissent comme relativement solides, la compétence et le soutien sont clairement les maillons faibles du système français.
Pour mieux comprendre ce sentiment de soutien, il faut distinguer le soutien entre pairs et le soutien par la hiérarchie.
Sentiment de confiance en salle des profs…
Le lien social en salle des profs pour sa part, est perçu assez positivement : dans le baromètre I-BEST, 89% des répondants considèrent qu’en cas de besoin, ils obtiennent le soutien de leurs collègues. 73 % des répondants de l’enquête TALIS considèrent qu’il existe dans leur établissement « une culture de collaboration qui se traduit par un soutien mutuel »
… Sentiment de défiance vis-à-vis de la direction et de l’inspection
En revanche, le sentiment des enseignants d’être accompagnés et soutenus est mis à mal quand il s’agit de la hiérarchie. Dans l’enquête I-BEST, seuls 52% des enseignants interrogés considèrent obtenir le soutien de leurs supérieurs en cas de besoin, ce qui place la France assez loin des autres pays (83% au Japon, 77% au Québec ou en Suisse).
Sur une dimension plus personnelle également, le sentiment de soutien des enseignants de la part de leur hiérarchie s’effondre. 88% des enseignants ayant répondu à I-BEST 2023 estiment leur hiérarchie peu ou pas du tout préoccupée par leur santé et leur bien-être ce qui classe la France en dernière position du panel de pays participants.
Derrière la question de la relation hiérarchique, se joue celle de la formation
En luttant contre cette défiance, en ouvrant la question de la formation et des carrières, on pourrait planter chez les enseignants la graine de ce que les anglo-saxons appellent le « growth mindset » (état d’esprit de croissance en français), soit d’après la chercheuse Carol Dweck à l’origine de ce concept,la « capacité d’évoluer et surtout de développer nos compétences, notre intelligence ou même de nouveaux talents au fur et à mesure du temps.. ».
A l’heure où l’on questionne dans les classes l’évaluation-sanction, ou l’on connaît l’importance de feedbacks positifs et réguliers pour les élèves et où l’on introduit les compétences psychosociales en classes, qu’attend-on pour soutenir les enseignants en repensant intégralement la qualité de leurs relations hiérarchiques ? En imaginant qu’un enseignant puisse être véritablement accompagné tout au long de sa carrière, sur le plan humain comme sur ces perspectives d’évolution, le lien social deviendrait un véritable levier dans le bien-être des enseignants et donc, dans leur impact sur les élèves.