Le groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation (Girsef) organisait ce 16 mars 2023 à Louvain-la-Neuve (Belgique) un colloque à l’intitulé intrigant : « Imaginer l’institution éducative qui succèdera à l’Ecole ».
L’évènement reprend le titre d’un ouvrage à paraître de Bernard Delvaux, chercheur en sociologie de l’éducation, spécialiste des questions d’inégalités scolaires et de concurrence entre établissements. Il est notamment l’auteur d’Une toute autre école et a dirigé l’ouvrage collectif Réfléchir l’école de demain.
Son travail servira de support à de riches échanges sur l’estrade – où philosophes, sociologues, psychologues furent invités à débattre de ses diagnostics et propositions – et dans la salle lors de temps d’atelier qui permirent au public – chercheurs, enseignants, personnels de direction – de s’approprier le propos.
Penser conjointement l’École et la société
Bernard Delvaux inscrit son diagnostic sur l’Ecole dans une réflexion plus générale sur les grandes évolutions économiques, sociales et politiques de nos sociétés démocratiques et libérales. Selon lui, les attentes vis-à-vis du système éducatif sont modelées par les valeurs et les normes qui imprègnent l’imaginaire social dominant. Si la modernité s’est caractérisée sur le temps long par une quête d’autonomie – à la fois individuelle et collective – et de compréhension rationnelle du monde, nous vivons actuellement dans un deuxième temps de cette modernité où ces valeurs ont connu des transformations majeures. La quête d’autonomie se serait muée en aspiration à une liberté sans limites. Celle de la raison en volonté de toute puissance.
En quoi notre système éducatif est-il affecté par ces évolutions ? Selon Bernard Delvaux, les valeurs nouvelles qui imprègnent fortement notre imaginaire créent de nouvelles attentes vis-à-vis de l’Ecole. En premier lieu, qu’elle permette à tous d’acquérir de la puissance – des compétences pourrait-on dire dans un vocabulaire plus courant. L’école devrait « équiper » les jeunes dans un objectif d’efficacité : acquérir des dispositions, des capacités utiles sur le plan économique, c’est-à-dire monnayables sur le marché du travail. Avec, sans doute, une instrumentalisation sous-jacente d’une institution scolaire dont les finalités seraient dictées par d’autres exigences – ici principalement économiques.
L’aspiration à la liberté, quant à elle, génère également des attentes spécifiques. En particulier, celle de s’adapter aux singularités de tous les enfants. Ce qui exige de l’Ecole de proposer des possibilités d’individualisation des parcours et des pédagogies. Les jeunes – ou leurs parents – porteraient la revendication de pouvoir suivre un cursus « sur mesure » qui s’adapte au mieux à leurs besoins subjectifs. La possibilité de choisir devenant, de ce fait, primordiale du point de vue des usagers – pour ne pas dire des clients – du système éducatif.
Marchandisation et fragmentation du système éducatif
Enoncées ainsi, les réflexions de Bernard Delvaux peuvent paraître abstraites. Mais elles se concrétisent dans des tendances observables au quotidien. Le système éducatif s’ouvre de plus en plus à une réelle marchandisation : cours particuliers, activités éducatives extra-scolaires, coachs en orientation, formations en ligne, etc. Cette évolution souligne à quel point les établissements scolaires – en particulier ceux du système public – tendent à ne plus constituer qu’un maillon d’un marché éducatif qui se rapproche de plus en plus du fonctionnement marchand et global des autres secteurs économiques.
Par ailleurs, l’Ecole est l’objet d’injonctions perpétuelles à accompagner la volonté de liberté des jeunes. Les grands sujets qui les mobilisent sont ainsi poussés vers l’inclusion dans les cursus scolaires : éducation à la santé, à la citoyenneté, à la sexualité, au développement durable, à l’égalité entre les filles et les garçons, etc.
Pour devenir attractifs, les établissements scolaires jouent également de plus en plus le jeu des « options », de la modulation des parcours et des apprentissages. La stratégie est également assumée par le Ministère de l’éducation nationale en France qui voit dans la diversité des dispositifs proposés – par exemple l’ouverture de sections internationales dans les établissements relevant de l’éducation prioritaire – un moyen d’éviter la fuite des enfants de milieux favorisées vers l’enseignement privé.
Un appel à faire évoluer notre imaginaire social
Sur la base de ce diagnostic, Bernard Delvaux envisage deux grandes possibilités pour l’avenir de nos systèmes éducatifs. La première se caractérise par l’amplification de ce mouvement qui aboutira finalement à dissoudre l’Ecole dans un grand marché éducatif globalisé. La seconde exige, selon lui, une réappropriation collective de la question éducative et une évolution radicale de notre imaginaire social.
L’éducation a ceci de particulier qu’elle est affectée par cet imaginaire mais qu’elle contribue également à le façonner. Pour reprendre un vocabulaire propre au philosophe Cornélius Castoriadis, cité abondamment par Bernard Delvaux, elle est une institution à la fois instituée – par les valeurs et les normes collectives – et instituante – le processus d’éducation façonnant l’imaginaire social des enfants. Le système éducatif peut à la fois être un outil de reproduction mais également de profonde rupture.
Bernard Delvaux considère que les critiques actuelles du système dominant – critiques écologique, humaniste, démocratique et politique – ont tendance à être récupérées pour ne modifier qu’à la marge aussi bien l’imaginaire collectif que le système éducatif : un peu d’éducation à l’écologie, d’appel à la bienveillance, de dispositifs participatifs, etc. Mais ce bricolage ne modifie pas fondamentalement le diagnostic posé précédemment.
Il propose donc d’entreprendre la quête d’un nouvel imaginaire pour la société et l’Ecole qui tienne compte des évolutions de la modernité – n’abandonnons pas en route l’individualité ni le pouvoir d’agir sur le monde – tout en proposant un changement radical de cap : réinscrire le projet d’autonomie individuelle dans une perspective d’humanité.
Cet appel fut salué par les trois intervenants de la matinée – le philosophe Arnaud Tomès, les sociologues Christian Maroy et Hugues Draelants – tout en en soulignant les limites. L’imaginaire collectif est une réalité sociale sur laquelle il est difficile d’agir intentionnellement. Par ailleurs, l’imaginaire scolaire est également façonné par des enjeux de pouvoir, des processus de domination qui en freinent la transformation.
L’exercice proposé par Bernard Delvaux n’en reste pas moins d’une grande valeur puisqu’il nous invite à nous réinterroger sur les finalités de nos systèmes éducatifs et à en dessiner un horizon souhaitable.
L’Infusante : le système éducatif de demain ?
Pour Bernard Delvaux, cette quête doit en effet se traduire dans une refonte du système éducatif. L’Ecole telle qu’on la conçoit aujourd’hui est invitée à être remplacée par une nouvelle institution qu’il propose de nommer l’Infusante.
Dans l’Infusante, plus de classes mais des « collectifs » hétérogènes. Plus de programme ni de référentiel. Un tronc commun de connaissance limité au maximum : on y apprend la langue et quelques bases de mathématiques. Pas de cours à proprement parler mais une pédagogie basée sur l’enquête (chère à John Dewey) : partir de situations complexes, proches de la vie, qui font sens et constituent des défis à résoudre. L’autonomie des enfants devient alors à la fois une fin et un moyen. On doit les mener à éprouver, comprendre, désirer et agir. Le professeur laisse place au formateur qui accompagne, se positionne comme une ressource plutôt qu’un sachant.
Le tronc commun est complété par un ensemble de modules très diversifiés, mixant potentiellement les classes d’âge, qui pourront être choisis par les enfants selon leurs affinités et qui permettra d’individualiser les parcours. L’optionnalité renvoie aussi à la conviction de Bernard Delvaux que peu de matières sont réellement indispensables. Au fur et à mesure que l’enfant grandit et gagne en autonomie, les modules deviennent de plus en plus « à la carte ».
Un chemin de transition qui dessine un plan d’action
La proposition de Bernard Delvaux peut apparaître, de son propre aveu, comme une utopie. Elle se veut aussi un moyen de rompre la monotonie des débat actuels sur l’école. La possibilité de faire exploser le cadre ouvre des voies de réflexion qui permettent d’aborder de front des questions qui restent trop souvent en suspens : la finalité du système éducatif, les responsabilités respectives des différents acteurs de l’éducation, etc.
De nombreuses critiques furent adressées au projet par les différents intervenants – le philosophe Thomas Michiels, les sociologues Anne Barrière et Jean de Munck, le psychologue Frédéric Saussez. Ils soulignèrent en quoi la pédagogie de l’enquête peut sembler trop limitée pour répondre à tous les besoins éducatifs des enfants et la diversité pédagogique avoir de réelles vertus. La trop grande place laissée au choix individuel peut, par ailleurs, menacer l’idée même de collectif. Enfin, une trop grande focalisation sur le vécu des élèves comporte le risque d’un enfermement, d’un manque d’ouverture sur ce qui leur est étranger.
Néanmoins, l’intérêt de la démarche tient aussi dans le fait de dessiner un chemin de transition vers un autre système éducatif. Sur ce point, ses analyses rejoignent assez largement celles de VersLeHaut – voir en particulier notre décryptage « Pour une école fédératrice ».
En effet, Bernard Delvaux en appelle à dépasser les frontières sectorielles. Le temps d’apprentissage des enfants en classe ne représente qu’une très petite portion de leur temps de vie éveillé. Or l’éducation intervient aussi dans ces autres temps : celui des activités périscolaires et extra-scolaires, à la maison, dans les échanges avec les groupes de pairs, etc. Il faut ouvrir la question de l’éducation hors de l’école et penser l’alliance éducative entre tous ceux qui y participent.
Pour ce faire, le sociologue insiste sur l’importance des « petites cités » c’est-à-dire des entités territoriales où les acteurs critiques et innovants sont présents – établissements scolaires, enseignants à titre individuels, associations, collectivités, entreprises, etc. Ils doivent profiter ensemble des espaces de liberté que permettent certains dispositifs – on peut penser pour la France au récent Appel à manifestation d’intérêt « Innovation dans la forme scolaire » ou à la démarche « Notre école faisons la ensemble », dans le cadre du Conseil National de la Refondation – pour se réapproprier une démarche collective visant à répondre à la question posée par Bernard Delvaux : que voulons-nous ?
Le pouvoir d’agir des collectifs au niveau local
Cette question, qui peut sembler anecdotique, constitue en réalité un défi majeur.
Le « nous » pose la question de la communauté éducative : de nombreux acteurs sont concernés, doivent se sentir concernés et sont invités à se reconnaître comme un collectif parlant d’une même voix.
Le « vouloir » porte sur l’idée de s’autoriser à mener un projet commun, ce qui renvoie à notre capacité à l’autonomie. Plutôt que de penser notre action comme limitée par l’existant (la rigidité de l’institution scolaire, les conflits entre autorités éducatives, le manque de ressources, etc.), estimons-nous habilités à user d’un imaginaire radical pour formuler un projet désirable.
Enfin le « que » nous met collectivement au défi de nous interroger sur le contenu de l’éducation : quelle finalité ? quels savoirs ? quelle pédagogie ?
Ce défi, Bernard Delvaux a eu le courage de le relever à titre individuel en formulant une proposition. A notre tour, à notre échelle, de saisir la main tendue pour construire ces « petites cités », ces entités locales, enracinées qui porteront peut-être le futur du système éducatif.
Stephan Lipiansky, Chef de projet VersLeHaut
Impatient à l’idée de voir naître un monde nouveau, je rejoins naturellement Bernard DELVAUX dans son analyse du système dans lequel nous vivons, et sa vision des conséquences probables si nous n’y changeons rien, sans hésitation aucune.
Pour donner le ton de mon commentaire, permettez-moi de le débuter avec cette citation :
– « Il faut se garder de prêcher aux jeunes le succès ordinaire comme but principal de la vie. La raison la plus motivante de travailler, à l’école ou dans la vie, se trouve dans le plaisir que l’on y trouve, dans le plaisir du résultat atteint et dans la connaissance de la valeur de ce résultat pour la communauté ».
Albert EINSTEIN in « Comment je vois le monde » (1934). Champs Flammarion, 1997.
Bernard DELVAUX, pour sa part, tend à démontrer que l’école devient (et ce, déjà depuis un certain moment – ndlr) l’instrument d’un système qui souhaite que la jeunesse se plie aux « exigences économiques du marché » au point de comparer les nouveaux paradigmes exigés à l’école, à ceux appliqués dans l’entreprise.
De mon côté, « Imaginer l’institution éducative qui succèdera à l’École » passe obligatoirement par (re)placer l’enfant/le jeune au centre, non seulement du débat, mais de toutes nos attentions, de notre écoute et de notre sens de l’observation, sans aucune possibilité de faillir à ces postures. Et pourquoi ne pas tenter de nourrir nos recherches éducatives à partir de leurs idées et non pas exclusivement des nôtres ?
Cette jeunesse, nous dit-on, est en attente d’une plus grande liberté… Soit, mais plutôt que de nous assigner l’objectif de définir comment et pour – quoi leur offrir cette liberté sous divers objets tels que cités dans l’article, ne devrions-nous pas commencer par les interroger pour qu’ils nous livrent eux-mêmes leurs attentes ? Le monde adulte estimerait-il qu’il en soit incapable ?
Je pose ainsi ces questions car je constate que l’on s’évertue à évoquer, sous couvert d’injonctions plus ou moins politiques, tout ce qui ne va pas ou qui pourrait ne pas aller, tout ce qui présente un obstacle ou pire, ce à quoi personne n’aurait songé avant toute intervention « extérieure » à la population directement concernée ; le tout enrobé d’éléments de langage souvent abscons, voire hermétiques… Et le tout assorti de programmes tantôt anachroniques, tantôt décalés ou sans rapport avec les véritables attentes du public visé et pas toujours concerné ! Je m’appuie sur le résultat que donnent les traductions de ces éléments de langage, incompréhensibles pour les enfants, quand les acteurs intermédiaires – enseignants et parents – le leur transmettent pour passer à l’acte à l’école.
Face à cet état de faits, Bernard DELVAUX nous propose « l’infusante, le système éducatif de demain ». Je me prends à « rêver » ce que ce mot peut signifier, et j’accueille avec joie sa définition d’« une pédagogie basée sur l’enquête (…) » citée dans l’article ci-dessus.
Avant d’aller plus avant dans mes réflexions, j’ai souhaité en savoir plus sur ce sociologue dont les arguments et concepts m’ont interpellé ; je découvre que Bernard DELVAUX proposait déjà, en 2015, de remplacer le terme « classe » par « collectif de vie ». Vous pourrez en savoir plus sur ce qu’il entend par cette formule en visionnant cette vidéo (les 26 premières minutes) :
– Conférence du 17 mai 2015 – « Des classes hétérogènes… : au nom de quelles finalités ? »
Lors de cette conférence, M. DELVAUX propose de nuancer certaines valeurs liées à l’éducation en évoquant un défi qui lui semble primordial, à savoir « inventer de nouvelles modalités de ‘vivre ensemble’ et de ‘faire société’ avec des personnes qui ne nous ressemblent pas, d’autant que dans un monde globalisé, le ‘faire société’ équivaut de plus en plus à ‘faire humanité’ (…) » ; il insiste sur la mixité qui a joué favorablement suite au regroupement des filles et des garçons dans l’histoire scolaire, expliquant que cette mixité (cette hétérogénéité précise-t-il) devrait également avoir tout son sens au plan social ; il souligne l’importance de l’égalité des chances dans une société démocratique où, semble-t-il, la hiérarchisation et la compétitivité priment dans tous les domaines ; et de nous demander « d’envisager de réviser nos discours, de mener d’autres combats que ceux que nous menons jusqu’à présent, d’inscrire dans nos objectifs la lutte contre la ségrégation, et ce, sur le plan le plus large, comme cela a été le cas pour la cause féministe ».
Bref ! Nous arrivons au « chemin de transition qui dessine un plan d’action » comme le titre l’auteur de l’article ici. Et pour ma part, je m’adresse aux détracteurs de Bernard DELVAUX à qui je suggère de regarder ce qui existe déjà dans ces domaines, qui démontre que leurs arguments sont non fondés notamment lorsqu’ils avancent que « la trop grande place laissée au choix individuel peut menacer l’idée même du collectif ». Car c’est tout le contraire qui se produit lorsque nous laissons cette liberté aux enfants – et aux adultes tout autant – de gérer par eux-mêmes et entre eux leurs individualités… Observez n’importe quel groupe de travail pour vous en convaincre. Un groupe de travail, à l’école ou dans une organisation, est systématiquement constitué de personnalités différentes qui ont – forcément allais-je dire – des avis, des points de vue tout aussi différents/diversifiés devant un problème à solutionner, un projet à réaliser etc. C’est l’addition, puis la confrontation des idées qui rendront un résultat riche, parce que complémentaire. Tout le contraire d’une pensée unique ! Lorsque l’on parle de choix individuel, pour l’enfant à l’école, il s’agit de tenir compte de sa personnalité pour que, à un instant T, il lui soit permis de se consacrer à une activité qui, selon son tempérament, son désir, ses facultés spontanées et immédiates, lui procure une satisfaction propice à son développement, à son inventivité. Le fait d’offrir cette liberté à chacun dans une classe ne sépare pas les individus. Bien au contraire, chacun finit par s’intéresser à ce que son voisin réalise. La curiosité, au bout d’un moment, l’emporte et agit, et les questions finissent par fuser. Et c’est dans cette perspective que l’enfant envisage le partage, le respect de l’autre, l’entraide et que s’effectue l’harmonisation ; le tout au service de l’autonomie, fondement de la liberté individuelle au service de la collectivité.
Et permettez-moi de faire appel une fois encore à notre ami Albert EINSTEIN !
« Je définis une société saine par cette double liaison. Elle n’existe que par des êtres indépendants, mais profondément unis au groupe » – in « Comment je vois le monde ».
J’en arrive au fait :
– Je ne vous cache pas plus longtemps que les convictions et les arguments de M. DELVAUX m’ont immédiatement fait penser à la pédagogie « Montessori »* alors qu’il n’y fait pas allusion, sauf erreur de ma part. Et pour introduire le sujet, permettez-moi de citer cette grande dame : « l’enfant a un pouvoir que nous n’avons pas : celui de bâtir l’homme lui-même ». Et même si Mme Montessori (1870-1952)** (docteur en médecine) a bâti sa méthode et ouvert sa première école en songeant aux enfants qui subissaient de réelles difficultés, nous sommes invités à nous inspirer de sa pédagogie pour ouvrir ce fameux chemin de transition. Car quand bien même le réseau des Écoles qui portent son nom serait à part de l’école publique, en quoi nous serait-il impossible de nous inspirer de ses meilleures méthodes pour en faire bénéficier la jeunesse ?
– Cela nous ramène d’ailleurs à l’article VLH (pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu) :
Une visite dans une classe de grande section de maternelle en pédagogie Montessori du 6 février 2023 où les observations se recoupent harmonieusement avec ce que je me propose de vous relater ci-après.
De nombreux ouvrages existent sur Maria Montessori et ses méthodes, mais il en est un qui m’a été conseillé de lire et que j’ai le plaisir de vous présenter à mon tour : Quand l’école s’adapte aux enfants (2014) de Donna Bryant GOERTZ, fondatrice américaine d’une école Montessori et éducatrice. L’auteur décrit à la perfection quels sont les chemins possibles pour s’assurer du meilleur développement de l’enfant vers son autonomie, au travers de 19 études de cas vécues au sein de son école. À noter que, conformément à la ligne « montessorienne » originelle, l’établissement accueille – entre autres – des enfants qui présentent des difficultés d’apprentissage. Après lecture de l’ouvrage, le travail empirique de l’auteur nous fait observer et comprendre que ces méthodes employées lors de situations particulières et sensibles, s’appliquent avec d’autant plus d’aisance auprès des enfants de la même classe qui ne rencontrent pas d’entraves particulières.
Son leitmotiv (cité page 7 – préface) se révèle tout au long de l’ouvrage au travers de chacune des études de cas racontées : « une solution imparable réside dans l’acceptation inconditionnelle de l’enfant, dans le respect tout aussi complet des habitudes de fonctionnement instituées par la classe. Celle-ci a établi des règles qui favorisent, entre autres, l’inclusion, l’aide mutuelle, la découverte naturelle de l’autre, tout cela est géré par les enfants et la générosité éclairée, l’exemple vécu et vrai de l’adulte responsable (…) ».
La première question à se poser est pour moi la suivante : pourquoi ne parvient-on pas à appliquer dans l’éducation des enfants ce que nous, adultes, souhaiterions voir se réaliser ?
La seconde question y afférente, toujours selon mon point de vue et mon raisonnement, serait de se demander si les adultes se soucient de savoir s’ils disposent des bons outils pour eux-mêmes aux fins de les transmettre aux plus jeunes, à commencer par leurs enfants (?). Se posent-ils même la question ? Rien n’est moins sûr.
Je conclus mon commentaire avec un exemple dont j’ai été témoin lors de mes propres observations dans l’une des écoles primaires publiques (IdF) où j’effectuais ma mission.
Le contexte : cette école nouvellement construite, bénéficiait d’un aménagement défini par son directeur qui avait été consulté par le Maire de la commune en charge de la conception du bâtiment. L’école disposait de salles annexes réservées aux ateliers de « recherche ». Ce même directeur décida aussi de doter les classes (CE2 à CM2) de ballons sur lesquels les élèves pouvaient s’asseoir. Pourquoi ? Parce qu’un enfant ne tient pas la distance, assis, immobile sur une chaise durant de longues heures. Le ballon permet de bouger tout en restant à sa place devant sa table de travail. Le tout dans le plus grand respect des autres, sans bruit… À noter que les règles de fonctionnement de la classe avaient été préalablement discutées avec tous les élèves puis rédigées sur des feuillets, point par point, et enfin exposées sur les murs de la salle. En cas d’un éventuel désordre qui s’annonçait, il suffisait à l’enseignant d’attirer l’attention des élèves concernés en levant son doigt silencieusement et en leur montrant leurs propres règles pour faire revenir le calme initial… avec le sourire.
Aussi, la salle de classe a été aménagée de manière à ce qu’un espace libre soit aménagé en son centre. Sur cet espace libre, doté d’un tapis, un groupe après l’autre venait y prendre place pour échanger sur ses recherches et partager les résultats des travaux qui lui avaient été demandés d’effectuer.
Les autres élèves, installés tout autour de la classe en face à face autour d’une table, par deux ou trois selon le nombre total d’élèves, se chargeaient de résoudre des problèmes après être préalablement allés, tour à tour par petits groupes, dans la salle de « recherches » pour trouver les éléments nécessaires à leur « enquête » ; cette salle annexe était dotée d’ordinateurs et d’une bibliothèque où l’on trouvait à la fois les livres de classe qui y étaient rangés, mais aussi toutes sortes de documents utiles à consulter. Passées ces étapes, une fois leurs travaux terminés, ils se préparaient à constituer un futur groupe avec d’autres élèves qui terminaient eux-mêmes leurs travaux. Ils se consultaient tous discrètement pour savoir de quelle manière ils allaient constituer leur groupe. Et, tour à tour, chaque groupe prenait place au centre de la classe, à plat ventre ou en tailleur, sur le tapis pour confronter leurs résultats. Chaque groupe ne se constituait pas en fonction d’un lien amical particulier, mais en fonction de leur disponibilité en temps réel. C’était l’une des règles de fonctionnement de la classe.
J’ai travaillé aux côtés de ce directeur (entre autres enseignants, autres écoles) durant trois ans et demi. Les deux premières années scolaires se sont déroulées dans l’ancienne école ne disposant d’aucun aménagement spécifique et je peux dire ici les énormes changements comportementaux observés chez les élèves lorsque nous avons déménagé dans ce nouveau bâtiment et à l’appui de ces nouvelles dispositions pédagogiques et de fonctionnement où l’enseignant n’intervenait quasiment qu’à la fin des travaux des enfants pour entendre leurs résultats.
« Il est indispensable de se rappeler qu’une surveillance trop étroite et trop évidente peut inhiber l’activité spontanée, voire l’arrêter. Les enfants ont besoin de sentir que l’enseignant leur fait confiance parce qu’il sait qu’ils sont avides d’apprendre et qu’ils peuvent travailler assidûment ». Donna Bryant GOERTZ in « Quand l’école s’adapte aux enfants » – page 68.
* J’attire l’attention des lecteurs sur le fait que je parle de la méthode et de la philosophie de Maria Montessori en lien avec les propos, à la fois de l’article et de mes commentaires ; et non pas des écoles qui portent son nom, domaine réservé au choix de chacun.
** Voir la bande annonce d’un film sur son œuvre : Maria Montessori
En savoir plus sur Maria Montessori : Histoire et biographie de M. Montessori
Pascal FONTENEAU
Ex consultant, porteur d’un projet culturel pour la jeunesse.